Ils ne le font pas. Non parce qu'ils s'y refusent ou s'y opposent, mais parce qu'ils ne comprennent pas. Ils veulent exécuter et non interpréter. Ils se veulent exécutants et non interprètes, c'est-à-dire qu'ils se mettent à mes ordres, à ma disposition alors que ce que moi je recherche, c'est qu'ils m'oublient ; ce que je désire, c'est disparaître à leurs yeux ; ce que je souhaite, c'est qu'ils ne s'occupent que de ce qu'il y a posé entre eux et moi, et qui nous lie, et qui ne doit être que le seul lien : la partition, soit un ensemble de signes convenus qu'ils ont la charge, durant un temps, de rendre audibles... Une musique peut commencer là, sur ce terrain intermédiaire qu'elle occupe entre eux et moi, eux, les exécutants à l'avenir d'interprète et moi, l'auteur en vouloir de fantôme.
(À
mes élèves, à leur première leçon de piano, je donne des
moufles. Et leur dis : « La musique, c'est avant tout
du son. Jouez. »)