Ce coup de téléphone est la dernière trace que j’ai de lui. Lorsque Marcel m’avait appelé pour m’apprendre son décès, j’avais aussitôt fait la relation entre notre dernier entretien et sa mort, et je m’attendais à ce que Marcel me dise qu’il s’était suicidé. Non, il est décédé d’une embolie pulmonaire... Pour la petite histoire : en 1987, j’ai remporté le premier prix d’une revue belge pour une nouvelle. Il était présidé par Jean Munoz, écrivain belge ; un mécène dont j’ai oublié le nom le finançait et un sculpteur offrait l'une de ses œuvres au vainqueur. Dans les six mois qui ont suivi, tous les trois sont morts. Gérard Dugauguez, ami et collègue, écrivait depuis des années. Il n’avait jamais rien publié. J’aimais ce qu’il faisait. Lorsque j’avais lancé mes éditions, je lui avais proposé de publier un recueil de ses textes. Il avait accepté, il avait commencé à y travailler, le livret devait sortir en septembre. Il est mort deux mois avant, sur le texte qu’il était en train de travailler… Rassure-toi, tu n’es pas publié par le Lys… À ta question : « Écrit-on parce qu'on sait que l'on va mourir, mourir pour dépasser la mort ou rester dans la vie ? » J’ai lu il y a quelque temps Les âmes mortes de Gogol et juste après Bouvard et Pécuchet. Ces deux textes sont leurs derniers, ce sont les plus forts et ils sont tous deux inachevés. Il en est de même pour Proust qui n’a pas achevé La Recherche. La mort les a abattus avant qu’ils ne terminent leur texte le plus important, celui qui leur a demandé le plus d’efforts, de temps, d’énergie, de souffrance. Pour Proust, je sais que c’est son texte qui l’a tué et je pense qu’il le voulait ainsi. Il en est sans doute de même pour les deux autres... Ces trois textes sont entre la vie et la mort. À bientôt, Guy

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