J’ai achevé Les longues années. Ça a sorti en 1950 au Japon (cette édition française, chez Denoël, est de 1952) et été un best-seller, sic la note biographique qui clôt. Je ne vois vraiment pas ce que je pourrais dire de cette histoire d’amour fou qui, sans doute, aurait pris une autre dimension, ou pour le moins une autre coloration, sous une autre plume beaucoup moins convenue (et ils ont été trois à le rédiger : la traductrice proprement dite M. F. Fukuda – qu’est-ce qui me fait penser qu’il s’agit d’une femme ? – aidée par deux hommes dont un « poète » (sic – j’aimerais bien lire sa poésie), Jean Léger, et un certain T. Popovsky qui cosigne la note et dont on ne sait rien. En même temps, il y a là comme une proposition de solution (ou une solution, tout simplement) au problème de la traduction, asiatique, et japonaise en l’occurrence et principalement. J’y pensais en revoyant le texte de Youki. Jusqu’où faut-il que j’aille pour ne pas toucher à l’intégrité du texte ? Il y a des choses évidentes à corriger, syntaxe, grammaire, structure, c’est-à-dire la faute de base et tout ce qui ne « fait pas français ». Au-delà, il y a sa propre écriture, celle d’une Japonaise qui traduit en français un texte qu’elle a d’abord écrit dans sa langue (je pensais au départ qu’elle l’avait directement écrit en français). Par moments, ça aurait pu être écrit par une Française, mais, en général, le texte porte l’empreinte de sa langue maternelle et cela produit une sorte de langue intermédiaire qui, justement, apparaît dans cette traduction du roman de Nakagawa. Il ne faut pas y toucher et c’est la difficulté de mon intervention dans le texte de Youki. Il ne faut pas qu’il soit comme si un Français ou une Française l’avait écrit. Il doit être correct en français, mais tout à la fois garder sa spécificité… Je l’ai repris hier et lui ai proposé, au vu du travail que ça va me demander, de procéder chapitre par chapitre que je lui enverrais au fur et à mesure. Elle ne m’a pas encore répondu.
5 janvier 2019