Drake est à la maison, reste à manger ; il parle toujours autant, principalement de lui, mais lance toujours des pistes intéressantes, pose des questions pertinentes et souvent délicates, voire embarrassantes. Ça a été le cas une fois qu’Éléonore est allée se coucher et où nous sommes restés à deux dans la cuisine à parler du journal, du temps, du comportement, puis de Proust qu’il a entamé avec beaucoup de difficultés, qu’il trouve « boring ». Je tâche de l’inciter à poursuivre sans parvenir à trouver une argumentation claire et précise (surtout en anglais) ou alors à apprendre le français. Il en arrive à Moby Dick, ça tombe plutôt bien. Je le mets aussitôt en parallèle avec La Recherche en ce sens que tous deux exigent du temps, de la patience. Il approuve, me dit la manière dont il lui est tombé des mains la première fois, et comment il y est entré totalement la seconde. Je lui raconte l’anecdote des deux exemplaires, et comment, si je ne n’avais pas laissé le temps faire en sorte que j’acquière la version intégrale avant de l’entamer, j’aurais pu rester le restant de mes jours avec, comme unique trace de Moby Dick en moi, un texte expurgé pour enfants. Il me fait ensuite part de cette hypothèse que Melville ne serait pas l’unique auteur du texte, qu’il y aurait eu un nègre pour la partie historique et philosophique ; lui se serait uniquement chargé de la partie purement narrative. Il est vrai qu’il y a deux narrateurs et il y a une nette différence de qualité d'écriture entre les deux. (Parler de Proust en anglais...)
18 octobre 2006