« Mais plus les écrivains vieillissent, plus ils sont estimés ; voilà qui, pendant longtemps, m'a laissé perplexe. À une époque, j'avais pensé que les éloges qu'on leur accordait alors qu'ils avaient cessé d'écrire quoi que ce soit d'intéressant depuis vingt ans, était dû en grande partie au fait que les plus jeunes, n'ayant plus à craindre leur concurrence, sentaient qu'il était raisonnable d'exalter leur mérite ; et il est bien connu que de louer quelqu'un dont on n'a rien à redouter est souvent une très bonne façon de mettre des bâtons dans les roues de celui dont on peut redouter la rivalité. Mais c'est considérer une vue un peu étroite de la nature humaine et pour rien au monde je ne voudrais m'exposer dans une attaque à base de cynisme à bon marché. Y ayant réfléchi plus tard, une fois mature, je suis arrivé à cette conclusion que la véritable raison pouvant expliquer qu'un auteur en phase descendante et ayant dépassé la moyenne d'âge normale pour un homme soit universellement acclamé, était que les gens intelligents ne lisent plus du tout après la trentaine. Ils prennent de l'âge, tandis que les livres qu'ils ont lus dans leur jeunesse conservent tout leur éclat et chaque année passant voit grandir le mérite qu'ils attribuent à leur auteur. Bien sûr, celui-ci doit continuer ; il doit rester en vue. Il n'est pas bon pour lui de penser qu'écrire un ou deux chefs d'œuvre est suffisant ; il doit leur fournir un piédestal constitué de quarante ou cinquante œuvres sans grande importance. Ceci demande du temps. Sa production doit être telle que s'il ne peut captiver le lecteur par son attrait, il peut le stupéfier par son poids. »
Mais les contrats ? Outre-Manche, les écrivains n'étaient-ils pas soumis à des contrats qui les obligeaient à produire ?