J’ai lu dans la soirée le Paris tendresse du tandem Brassai-Modiano qu'Innocent m’a laissé emporter avant la liquidation complète de sa maison à Wellcath. 1990, série de photos que commente d’une manière « romancée » Modiano. Je n’ai ni goût ni dégoût pour Brassai, du moins dans cette veine-là ; quant à Modiano, c’est du Modiano, encore que je me pose la question d’un éventuel nègre lorsque je lis par deux fois « des hommes debouts ». Et s’il s’était agi de femmes, aurait-il écrit « deboutes » ? Cela me fait penser à l’article consacré à Salgado dans le magazine télé, quelques photographies à l’appui, dont deux assez stupéfiantes par leur caractère pictural : composition, nuances, rendu, travail des teintes et des tons. La seconde fait penser d’une manière hallucinante, et ns'il n'y avait eu un bulldozer, à certaines scènes napoléoniennes, Girodet, Gros. Je ne peux croire que ce n’est pas voulu. Du coup, et plus que jamais, je me pose l’éternelle question de la photo choc : l’esthétique balaye-t-elle le témoignage pour, au bout du compte, ne produire qu’une belle image ? Ce n’est pas le cadavre que j’ai regardé, en tout cas sa réalité en tant que cadavre, mais la qualité esthétique de l’ensemble. C’est la première chose qui m’a frappé et le corps n’a plus été qu’anecdotique, qu’un élément comme un autre d’une histoire dont la seule raison d’être est d’agrémenter le beau. (Mais faut-il le regretter ?)

 

12 octobre 2005