Depuis deux jours, je ne vais pas bien du tout. Ça a commencé alors que je parlais avec Théophane dans la cuisine. J’achevais une cigarette, la septième, dans les temps. Puis je me suis senti oppressé. Je suis monté, en ai fumé une dernière, me suis couché relativement tôt. Le lendemain matin, bouffées de chaleur, oppression, mes irritations de bouche, coutumières mais qui prenaient de drôles de proportions, une gêne au haut du crâne, une sensation de vertiges. Je n’ai pas fumé dans la voiture, je me sentais au bord de l’évanouissement. J’ai allumé la première dans le patio. Je ne l’ai pas achevée. Toute la matinée, j’ai traîné cet état de malaise où les gênes tour à tour alternaient et se mêlaient. J’ai fumé la suivante en revenant de chez Bert, la suivante trois heures plus tard, la suivante avant de partir. Petit à petit, ça s’est amélioré durant l’après-midi, mais ça persistait tout de même. Je me suis un peu traîné devant la télé. Puis j’ai poursuivi Lévi-Strauss avec un vague vertige et ne cessant de penser qu’à plus de quatre-vingt-dix ans il écrivait toujours, faisait des voyages, en l’occurrence au Japon. Fumait-il ? Ça m’étonnerait. Et moi, à mon âge, je me traîne avec ces troubles et malaises que je ne peux faire autrement que d’attribuer au tabac (quand je pense que depuis l’adolescence la moitié de mes pensées sont perturbées par le tabac). Je suis monté, ai relevé le courrier, puis j’ai gagné ma chambre avec l’intention de me mettre au lit avec le dernier chapitre de Strauss. Sur mon bureau, étaient étalées toutes mes affaires de japonais, dont l’article de l’Asahi que m'avait envoyé Youki et que je me suis mis en tête de traduire (j’ai passé la journée d’avant-hier au bureau à m’y attacher, quel boulot phénoménal, malgré le site qui m’aide beaucoup !). Je me suis assis, en ai fait une bonne heure, puis, comme un imbécile, alors que je n’avais fumé que six cigarettes, je suis retourné à mon bureau pour une dernière avec un café (le café ne doit pas être non plus étranger à mon état). Au réveil, tout est revenu et après le petit déjeuner, je me suis traîné jusqu’au sofa jaune pour y achever Strauss. Je m’étais juré de ne pas fumer aussitôt. Tout en lisant, j’assistais à cette chose en moi qui prenait tout le terrain, qui, par moments, m’a forcé à m’assoupir.

 

16 avril 2011