« Le japonais [sic] est grave et accomplit la moindre besogne comme une mission. Cet idéal pèse sur lui, jamais une impression d’insouciance rieuse ne traverse un visage et après en avoir débattu pendant des mois je crois devoir dire que le Japon est triste. Non qu’il n’ait sa manière de rire ou de voir l’existence en couleurs gaies, mais ce sont des demi-teintes, aucune échappée brutale et démesurée. C’est ce qui rend si violentes les explosions chez les individus. Le code général de la vie les comprime avec une force qui leur interdit les écarts : joie et tristesse se montrent toujours après un filtrage inconscient. On se mesure non pas avec effort car la mesure est devenue naturelle, spontanée, inconsciente, mais comparée aux autres hommes, le Japonais apparaît comme bridé (!) par ses  convenances. Cela ne lui interdit pas la franchise, les manifestations, mais elles sortent comme des allusions, avec une finesse de tous qui charme lorsqu’on s’est plié à leurs dimensions. L’homme est pourtant doué d’une force d’expansion à peu près invariable et la compression dépasse parfois la résistance des individus. […]. L’explosion qui se produit dans les fêtes religieuses, dans les exploits guerriers est souvent effrayante pour un spectateur de sang-froid. Lorsqu’il est admis que ce n’est pas la vie ordinaire, qu’on est libre de s’étendre, on assiste à une libération brutale […], on ne pleure pas la mort d’un fils : c’est un acte pris dans le code, mais on sanglote du haut en bas des cinémas : c’est de l’irréel. On ne peut vraiment pas dire qu’à l’état ordinaire le japonais [sic] tienne moins à la vie qu’un autre homme, mais c’est encore une explosion définitive que le suicide. Les raisons en sont souvent minimes, mais elles suffisent à provoquer la rupture. Le romantisme s’empare de l’individu libéré, et le précipite dans le cratère de quelque fameux volcan. »

Troublant, mais discutable. C'est en partie vrai, mais on peut assister à ce phénomène de libération, d’éclat, d’explosion un peu partout dans le monde. En lisant cela, j’ai immédiatement pensé au comportement des carabins (et en particulier à celui de mon ancien beau-frère médecin) qui, une fois sortis de leur contexte d’études et, notamment sous l’emprise de l’alcool, sortent d’eux-mêmes et deviennent des sortes de monstres débridés. J’ai souvent assisté à cette transformation stupéfiante, qui me stupéfiait en tout cas, chez mon beau-frère qui, d’ordinaire pondéré, réfléchi et calme, devenait cette sorte de bête furieuse et déréglée une fois qu’il se trouvait autour d’une table ou dans une réunion de quelque sorte à caractère festif. Le phénomène du « laisser-aller » me semble universel et profondément humain, et la faute n’en incombe pas du tout à l’alcool qui, quelles que soient les circonstances, n’est qu’un déclencheur, et de là un révélateur...