« la rue de la liberté, une petite place, une heure, deux heures, le temps en retard en dehors de la ville, aux Moulins, en pleine ville ou aux Moulins, tout le temps avec sa mère, au soleil, attend, la rue de la Liberté est calme, sur le bord du trottoir et dans le ruisseau, des immeubles de sept étages, aux balcons derrière chaque fenêtre, ou bien à l’intérieur de chaque voiture arrêtée, la lumière du soleil, d’un seul coup, un instant, elles descendent ensemble sur la chaussée dans le couloir réservé aux bus, beaucoup de soleil vite ! en train de foncer, toute vitesse dans la rue vide, vertige des virages, le long du trottoir vers l’ouest. Le soleil est au zénith, il brûle. Les magasins sont fermés, les rideaux de fer sont baissés dans le sommeil de la rue comme dans une grotte, elles passent devant les vitrines des garages, elle aperçoit du coin de l’œil leurs silhouettes qui glissent comme les silhouettes des cavaliers dans les films de cow-boys, tout d’un coup, la lumière du soleil étincelle, la cavalcade en haut des immeubles blancs, sur les balcons, derrière les rideaux des fenêtres, l’espace de quelques secondes, en zigzaguant sur la chaussée, près du carrefour, dans un instant, ces quelques secondes, la rue est encore plus déserte et plus blanche avec le grand fleuve de goudron noir qui fond sous les rayons du soleil, les embusqués derrière leurs volets, derrière leurs autos, vont et viennent, devine leur présence derrière les vitres des bars, dans les recoins de la rue que le soleil vide, le soleil de feu sans un nuage au-dessus des septièmes étages des immeubles neufs, maintenant. La rue de la Liberté est vide et blanche avec ce soleil au zénith qui écrase les ombres, les trottoirs déserts, les immeubles aux fenêtres pareilles à des yeux éteints, les autos qui glissent silencieusement, la rue s’ouvrir, se précipiter sous les pneus qui la dévorent, tandis que les fenêtres explosent en mille miettes qui jonchent, visage rouge parce qu’elle a marché au soleil, d’un fermoir en métal doré qui envoie des éclats de lumière, d’insistance, lumière qui fait briller les rayons aigus sur le fermoir doré de son sac à main. Aussitôt, vite, lentement, il n’aperçoit que l’ombre au fond des salles, lumière trop dure qui réverbère sur le goudron de chaussée, roule sur les cahots, fonde. Les pigeons s’envolent devant son capot. Il traverse une rue, une autre rue, presque sans ralentir, peut-être que le million, qu’il a parcourus à travers les rues de la ville lui donne le droit de passage. Sur les vitres des magasins, la silhouette bleue passe vite, sa montre, une heure vingt-cinq, la lumière du soleil marque à peine les ombres. Éclairée bien en face, elle ressemble à une statue de plâtre jetant des éclats de lumière, lent, il y a comme des éclairs qui frappent le monde, des signes qui fulgurent à travers la ville, des éclats de lumière fous, fonce, pédalier racle le sol en envoyant des gerbes d’étincelles, lentement vers l’arrêt d’autobus où attend la dame au sac noir contre la lumière cruelle qui les éblouit, aveuglés par l’écran perlé de leurs postes de télévision. Ils ne voient pas la lumière cruelle, s’allument, s’éteignent, font vaciller, grande rue de la Liberté, en jetant vite en arrière tous ces immeubles, ces arbres, ces squares, ces carrefours au même rythme. Il y a les hommes dans la rue, embusqués dans leurs autos arrêtées, sans ralentir, enfin, ses iris, qui donne la lumière de son regard qu’un centième de seconde sort son fermoir de métal doré jette aux yeux des éclats meurtriers... »