J’ai réitéré la pêche à « l’aveugle », ou plus exactement au hasard, deux livres que j’ai tirés des boîtes de la foire toujours sur la table du séjour, dont Le grand cahier d’Agota Kristof. Dès les premières lignes, j’ai été emporté et ne l’ai plus lâché jusqu’au point final où, durant quelques secondes, je suis resté en suspens ; j’ai relu les dernières phrases, ai été pris de vertige, qu’est-ce que c’était que ce texte ? C’est extraordinaire. Conte, fable, allégorie, deux jumeaux qui racontent, la sorcière, la guerre, des pays non identifiés, et avant tout le ton, la forme. Je lisais, n’en revenais pas. D’où cela sortait-il, qui était cette Agota ? C’est une réédition au Livre de Poche, j’ai pensé à Minuit, ça pouvait en être le ton ; non c’était chez Stock. Puis cet humour qui n’en était pas, ce mélange de cruauté légère et d’absurdité, m’ont fait penser à un pays de l’Est ; oui, seule une Slave aurait pu écrire cela, la Pologne peut-être (Kantor m’a traversé l’esprit) et j’ai vérifié si c’était une traduction ou non ; ça n’en était pas une, ça avait bien été écrit en français ; mais le nom ne l’est pas, il est de l’Est et ça pouvait être un nom polonais ; alors, j’ai pris connaissance des quelques lignes biographiques : Agota Kristof est une émigrée hongroise qui vit en Suisse ; c’était donc bien de l’Est… C’est le premier volet d’une trilogie. Ma première pensée a été de faire l’acquisition des deux suivants ; puis, en y réfléchissant, je me suis demandé s’il n’était pas préférable que j’en reste à ce foudroiement. Que pouvait-on ajouter à cela ? Le pays mentionné est un pays de l’Est qui a vraisemblablement une frontière commune avec l’URSS et j’imagine que les jumeaux vont grandir et raconter l’histoire de cette zone devenue communiste. Est-ce que je vais m’y risquer ? (Le mieux est de m’en remettre au hasard, ce même hasard qui m’a mis ce texte incroyable entre les mains ; j’attendrais donc que les deux suivants viennent à moi, choisissent d’eux-mêmes que je les lise ou non.)

 

5 décembre 2017