« Bien sûr, je l’aime, mais je me demande si je l’aime bien. »

Il parle de son petit dernier, insupportable. Cette phrase m’avait laissé perplexe. Machinalement, j’avais essayé d’en trouver l’original sans doute proche de « Sure, I love him, but I wonder if I like him. » Je ne parvenais pas à comprendre l’opposition, ici, entre le fait d’aimer un enfant et de ne pas bien l’aimer. J’en ai parlé à Éléonore qui m’a dit qu’elle comprenait parfaitement ce qu’il voulait dire (aussi bien en français qu’en anglais) et que je ne pouvais pas comprendre car je n’avais pas eu d’enfants. S’en est suivie une discussion à propos de l’amour qui, pour elle (comme c’était étrange ; j’avais l’impression d’avoir basculé à l’époque de notre rencontre), était le fait de penser sans cesse à l'autre, d’être constamment en état de manque de lui et de vouloir sans cesse le toucher en sa présence. Je n’étais pas d’accord : je pensais sans cesse à V., étais (je pense) en état de manque d’elle, mais je n’avais pas l’envie irrésistible de la toucher lorsqu’elle était à côté de moi. À l’inverse, il y a des femmes que j’ai envie de toucher sans qu’il soit question d’amour ou de sexe. J’ai cité Sidonie, et Anouchka. Ça l’a soufflée et laissée incrédule. « Anouchka ? » Je ne comprenais pas qu’elle ne comprenne pas car Anouchka est, d'une manière flagrante, sensuellement attirante (« pulpeuse », ai-je dit et qui la « résume » bien) et elle fait partie des êtres qui éprouvent le besoin constant de toucher les autres, moi par exemple. C’est drôle comme parfois j’ai l’impression de découvrir totalement Éléonore.