Ils me l’ont clairement signifié ; à leur insu, sûrement, mais c’était inscrit dans leurs gestes, leur comportement, dans cette manière qu’ils avaient de s’y déplacer et de le toucher, alors qu’ils étaient chez moi. Et en écrivant cela, je me dis qu’à la réflexion, il s’agit sans doute du premier lieu de ma vie que je puisse appeler chez moi. Et c’est chez moi qu’ils vont s’installer, en posant leur nom à la place du mien sur la sonnette et sur la boîte aux lettres, et en mettant mon adresse sur leur courrier. Je ne peux pas supporter cette idée, comme il m’est difficile de supporter l’idée que je n’aurai plus cette attache avec Lille. Mais en vérité, ce n’est pas ça. La vérité est simple : je ne peux supporter l’idée de ne plus avoir l’appartement au 10 de la rue Manuel à Lille, même je n’y suis plus. Je n’y suis plus, mais il était là, comme en attente, et je savais qu’il était là. Je pouvais y passer quand je le voulais. Nous pouvions y passer, y rester ou ne pas y rester. Samuel y dormait, Neville* parfois y dort. C’était mon (notre) appartement de Lille et tout le monde pouvait en profiter. Aujourd’hui, des inconnus vont l’habiter...
* l’un des deux étudiants locataires d’Éléonore (note du 15 septembre 2021)