L’état des lieux sera signé vendredi. Valérie emménage samedi. Samedi, Éléonore part pour Jersey avec sa mère pour une semaine... Ultime cours à Julien. Je lui avais déjà parlé de mon déménagement et de mon éventuel arrêt à la rentrée, et dit qu’une « jolie et gentille jeune fille » allait me remplacer. Valérie, bien sûr. Ça ne l’avait pas inquiété outre mesure. Mais hier, je l’ai trouvé étrangement absent, fermé. Je suis accoutumé à ses petites crises d’éloignement, d’échappée, moments où, soudain, semblant ne plus rien voir, ne plus m’écouter ni même m’entendre, il plaque sa joue gauche sur le clavier et le regard lointain fait sonner par intermittence quelques notes au hasard. C’est ce qui s’est produit hier. Mais ça a été exceptionnellement intense et long, à ce point, comme il refusait de me répondre, que je me suis inquiété, et davantage lorsque, durant les dix dernières minutes, il s’est mis à jouer à la file tous ses airs préférés, en les enchaînant, sans répit aucun, sans aucune respiration, à grande vitesse et sur un rythme forcené. On l’aurait dit possédé, proche d’une espèce de transe. Je n’ai rien dit, l’ai laissé achever. Lorsqu’enfin il a cessé, il était l’heure pour moi de partir. C’est à peine s’il m’a regardé, à peine s’il m’a dit au revoir. J’en ai parlé à son père qui a souri. « Ne vous en faites pas, il était triste ; cela fait une semaine qu’il parle de votre départ. » J’ai regagné ma voiture, légèrement secoué, avec dans la tête des accents de remords et de renonciation. Mais, c’est décidé : c’est Valérie qui me remplacera en septembre...