C’était le latin, mais aussi mon jour de naissance et j’avais proposé à Valérie de passer chez Léo, c’était l'occasion. J’avais prévu de l’inviter au restaurant avec Léo et Fanny ; mais Apollos s’est attardé et Richard et Mia sont arrivés ; alors, j’ai invité toute la compagnie. C’était au chinois des Halles. Je m’entends de mieux en mieux avec Richard, me découvre beaucoup de points communs avec lui, dont le jeu. Au Gros Bill, après le repas, je lui ai appris le « renard givré » (Fanny m’y avait initié la veille). C’est un jeu de cartes simplissime, similaire à la bataille, qui se joue à deux et basé sur les réflexes, la rapidité, la concentration, le sang-froid : lorsque deux cartes de valeur identique sont découvertes sur la table, c’est le premier qui les frappera du plat de la main en criant « renard givré ! » qui remporte le paquet. J’ai fait quelques parties avec Richard, puis avec Mia et Fanny ; enfin avec Valérie qui depuis un moment suivait le tout avec un intérêt enfiévré. La première partie était à peine entamée qu’elle s’est mise à trépigner, à tressauter sur sa chaise, comme traversée par des décharges électriques ; son regard lançait des éclairs et à chaque fois qu’elle criait « renard givré ! », tout le monde dans le café se retournait. Je n’en revenais pas. (À la réflexion, ce n’était pas vraiment étonnant ; j’avais déjà remarqué sous sa réserve des signes nets de nervosité, sa façon de fumer, certaines attitudes ou expressions par moments...)