Tête dans le sac. Rentrés à quatre heures du matin de la Renaissance où a eu lieu la fête en l'honneur de l'anniversaire de Francine./Arrivée sur le coup de minuit de Philippe. Choc, souvenirs en vrac qui m'ont assailli. Il a grossi un peu, grisonne, mais pour le reste, il est exactement pareil. Je n'ai malheureusement pas eu le loisir de discuter beaucoup avec lui (mais il m’est si difficile de lui parler avec le passé un peu lourd que nous partageons)./10 h 00, grenier. Soleil. Susan est dans le jardin qui travaille. Accroc de nouveau, hier, au sujet de la Pologne et des enfants./Je n'ai plus la moindre envie d'aller en Pologne. Ou alors y aller seul, chez Wanda.../Dans l'après-midi, pour m'aider à oublier, elle viendra à moi. Petite sieste, amour triomphateur.../Elle va me demander des nouvelles de ma conférence. Où en suis-je ? ai-je avancé ? Que lui dire sinon que j'ai vraiment envie de ne rien faire du tout ?/Un nom de fleur en Chine : « J'ai joui de mon ami dans le jardin. »/Dans trois heures, je passe un bilan pulmonaire. Curieusement, mon envie de fumer est plus forte que d'habitude.../Résultat de la visite chez le pneumologue hier : rien (drôle de coco, entre parenthèses !)./Sinon, rien.../« Tu prends de la morue portugaise – rue de l'Alma, c'est la meilleure –, tu la dessales. Puis tu prépares ton plat avec de l'huile d'olive, du citron, des oignons coupés très fins. Tu plonges ta morue dedans et tu laisses macérer ça deux heures. C'est les pirates qui mangeaient ça... » (Janusz, dans la cuisine.)/Coup de fil à Valérie. Je tombe sur un message de Telecom qui me renvoie à un autre numéro. J'y obtiens Valérie qui se trouve dans le jardin de sa nouvelle demeure, une maison à Hellemmes. C'est désormais sa mère qui occupe le rez-de-chaussée du 10 de la rue Manuel.../Journée passée à la second bibliothèque du grenier, celle de la poutre. Reste la troisième qui, avec la précédente, formera le corridor.../Bruxelles continue à perdre ses cheveux. De nouveaux trous un peu partout, des vides, des façades esseulées, maigres et comme bêtes sans ce qu'auparavant elles protégeaient. La petite Défense autour de la tour Mercedes semble achevée. Quant au pâté derrière la Monnaie, il conserve inébranlablement son état de ruines soumises aux herbes et à la désolation.../(Mon regard, depuis quelque temps, qui s'attarde sur les filles rondes, voire un peu grosses. Visions de chair molle à malaxer...)/Journée de frappe. Épuisant.../Rêves terribles dans la nuit dont un, assez effroyable où il était question de meurtre et du viol de deux jeunes filles, qui m'a réveillé à 8 heures. Mauvaise nuit, lever à midi, encore tout secoué des dernières impressions qu'ils avaient laissées en moi. À noter, depuis quelques jours, la profusion de rêves de ce type, pas forcément cauchemardesques, mais à chaque fois intenses et violents. Mon subconscient qui fait des siennes.../ Les Novices, Brigitte. Que je n'avais jamais vu. J'ai hésité : devais-je céder à cette vieille tentation et y cédant, quel nom lui attribuerais-je ? J'ai mis cela sur le compte de la rigueur, du respect, de la fidélité (?). Et l'ai enregistré, sachant, sans l'avoir vu, que j'allais assister à un parfait désastre. J'en ai regardé le premier quart d'heure hier soir. C'est en effet conforme, soit consternant de ringardise, elle, Brigitte, étant le principal centre de cette ringardise (voir de l'effet des metteurs en scène sur les jeunes gourdes – et là, déjà, un peu vieilles –, dans je ne sais plus quel journal). Irai-je jusqu'au bout et vais-je le conserver, le ranger parmi mes archives ? Je crains bien que oui... (Ironie : c'est sur Breaking the waves que j'ai enregistré cette parfaite saloperie.) De là, la question suivante : quel nom peut bien porter un tel « attachement » et que vaut-il au regard du monde ?/La réflexion que je me suis faite sur le trait d'union récemment, qui unit mais sépare aussi ; qui, en fait, ne donne que l'impression, l'illusion de l'union, puisque se posant, il est la séparation : « garde-manger », par exemple. L'Anglais, lui, peut le faire sauter à sa guise : « turn-over », « turnover ».../Le souvenir : rapporter un souvenir d'un endroit (de vacances, par exemple) à quelqu'un qui n'y est jamais allé ; afin qu'il ait un souvenir d'un endroit où il n'est jamais allé.(Ainsi, c'est son souvenir que l'on offre…) Je suis allé là où tu n'es pas allé. Aussi, je te donne un de mes souvenirs afin que tu puisses croire que toi aussi tu y es allé... (À qui ce souvenir est-il, en définitive ?)/Il doit être une heure du matin. Je me trouve dans le grenier (mon bureau), au second bureau. L'ordinateur est éteint. Susan est couchée. Paul est je ne sais où. Le calme est absolu et je n'ai pour seuls bruits que ceux du craquement de ma chaise de temps à autre et du crissement de la plume sur la page. Le crissement (bruissement) de cette plume, comme le bruit de la pensée mise à jour, révélée, est magnifique.../9 h 30. Rêve de cette nuit : de la recherche d'une cachette où m'astiquer !/À noter, comble, un téléfilm idiot dans lequel jouait Y***. Je n'avais qu'une idée : fixer l'écran et la dévorer, alors que ma mère me parlait. (Y*** qui a un petit peu grossi et que j'ai trouvé plus désirable que jamais !)/Passage éclair de M*** qui, à peine la porte ouverte, me dit : « Je n'en ai que pour cinq minutes, rassure-toi ! » Il en a eu effectivement pour cinq minutes, montre en main, ce pour déposer pour Susan une reproduction en cadre doré du Dedham mill de Constable (que va-t-on donc en faire ?) et de quelques T-shirts à l'attention de Dorothée… (Il a l'intention de déménager et se débarrasse donc de tout ce qui l'encombre ; il s'allège au maximum...)/À l'instant, un papillon de nuit qui vient de se jeter la tête la première dans la lampe à halogène dont la vitre est brisée : de ma place, je vois les traces de sa désintégration, fumée, poussières et battements d'ailes mêlés.../Passage aux Lisières pour le retour de Claire dans ses fonctions. Bretagne, puis Picardie où ils ont acheté une maison. Elle exulte. Je vais passer aujourd'hui jeter un coup d'œil à l'atelier de Baudouin./Je suis retourné chez Frédérick pour une signature oubliée. Nous parlons musique. Il m'a remis un CD contenant une compilation de diverses choses susceptibles de m'intéresser, dont, bien sûr, les quatre vidéos de Beefheart qui figurent sur la version CD de Grow fins. Ravissement et remue-ménages en moi ; rien n'a changé, l'effet est instantané, c'est toujours le même séisme à la première note jouée…/Country life diary 1963. Un agenda du fameux magazine Country life (prestigieuse revue, si je ne m'abuse, pour aristocrates et gentlemen farmers). Format cahier, illustré de photos, de citations, de poèmes, d'anecdotes. J'ai l'intention de l'utiliser comme journal intemporel. Le hic, c'est le choix à faire entre la date et le jour ; ainsi, en 1963, le 7 août tombe un mercredi. Dans l'intemporalité, dois-je considérer la date ou le jour ? Est-il plus important d'être le 7 août plutôt que lundi ? Il faut que je prenne vite une décision.../Cours latin/grec annulé : nous ne nous revoyons pas avant septembre. Dommage.../Un plan commence à se dessiner pour la conférence ; mais c'est exactement comme si je savais que je ne la ferai pas... Toujours pas appelé Christophe.../Rien…/Dorothée part quinze jours. Elle refuse à son retour de retourner s'occuper de Monsieur Vincent qui est de plus en plus dépendant et requiert désormais une présence constante. C'est devenu trop lourd pour elle. Que va-t-elle faire à son retour sinon venir ici ?.../Susan s'inquiète de même pour son M.A. Elle est découragée, c'est trop de travail avec ses cours en plus. Nous en avons discuté longuement il y a une demi-heure. Je me sens un peu bête./