Au cours de ma poursuite de la lecture des
Jeunes filles, édition 1919, deuxième volume, je suis
tombé sur un passage tout à fait curieux. Pour tout dire,
incompréhensible, et plusieurs lectures n'y ont rien fait.
Pensant alors à ces quelques passages relevés dans
l'édition Folio et donnés effectivement comme incohérents,
incompréhensibles (deux ou trois pour toute La Recherche),
je l'y ai recherchée. À mon grand étonnement, la
ponctuation était différente. Mais, ne voulant pas en
rester là, j'ai eu la curiosité de poursuivre et de
vérifier d'une part dans La Pléiade, puis dans le volume de
La Gerbe. Où je vois une troisième forme, avec une autre
ponctuation, qui, enfin, donne tout son sens et sa cohérence
à la phrase.
Il existe donc au moins 3 versions d'une même
phrase,
et je ne puis résister à l'envie de les retranscrire :
« Au moment où notre nom résonne dans
la bouche du présentateur surtout si celui-ci l'entoure
comme fit Elstir de commentaires élogieux ce
moment sacramentel, analogue à celui où dans une féerie,
le génie ordonne à une personne d'en être soudain une
autre, celle que nous avons désirés d'approcher,
s'évanouit ; d'abord comment resterait-elle pareille à
elle-même puisque de par l'attention que l'inconnue
est obligée de prêter à notre nom et de marquer à notre
personne dans les yeux situés hier à l'infini (et
que nous croyions que les nôtres, errants, mal réglés,
désespérés, divergents, ne parviendraient jamais à
rencontrer) le regard conscient, la pensée inconnaissable
que nous cherchions, vient d'être miraculeusement et tout
simplement remplacée par notre propre image peinte comme au
fond d'un miroir qui sourirait. » NRF 1919, page
156
« Au moment où notre nom résonne dans
la bouche du présentateur, surtout si celui-ci l'entoure
comme fit Elstir de commentaires élogieux ce
moment sacramentel, analogue à celui où, dans une féerie,
le génie ordonne à une personne d'en être soudain une
autre , celle que nous avons désiré d'approcher,
s'évanouit ; d'abord, comment resterait-elle pareille à
elle-même, puisque de par l'attention que
l'inconnue est obligée de prêter à notre nom et de marquer
à notre personne dans les yeux situés hier à
l'infini (et que nous croyions que les nôtres, errants, mal
réglés, désespérés, divergents, ne parviendraient jamais
à rencontrer) le regard conscient, la pensée inconnaissable
que nous cherchions, viennent d'être miraculeusement et tout
simplement remplacée par notre propre image peinte comme au
fond d'un miroir qui sourirait ? » La
Pléiade, page 872
(Qu'est-ce qui peut justifier ce point
d'interrogation clôturant la phrase ?)
« Au moment où notre nom résonne dans
la bouche du présentateur, surtout si celui-ci l'entoure
comme fit Elstir de commentaires élogieux, ce moment
sacramentel, analogue à celui où, dans une féerie, le
génie ordonne à une personne d'en être soudain une autre,
celle que nous avons désiré d'approcher, s'évanouit ;
d'abord, comment resterait-elle pareille à elle-même,
puisque de par l'attention que l'inconnue est obligée
de prêter à notre nom et de marquer à notre
personne dans les yeux situés hier à l'infini
(et que nous croyions que les nôtres, errants, mal réglés,
désespérés, divergents, ne parviendraient jamais à
rencontrer) le regard conscient, la pensée inconnaissable
que nous cherchions, vient d'être miraculeusement et tout
simplement remplacée par notre propre image peinte comme au
fond d'un miroir qui sourirait. » La Gerbe NRF,
1929, page 143