De là rue du Midi, les devantures de guitares où Sosthène jette toujours un œil, puis un nouveau magasin de vinyles – un de plus, combien y en a-t-il ? – où il n’a finalement rien acheté – tandis que je cherchais désespérément ce que je pourrais bien m’acheter), de là la terrasse du Polichinelle (sans Indiens ni Chinois – si : une famille de cinq – en face du Manneken Pis). « Vous avez de la vieille Orval, mademoiselle ? » « Oui. » « Deux, alors. » « Vieux, pas vieille », me dit Sosthène. « Quoi, vieux, c’est de la bière, et donc vieille. » « Non : vieux : on dit un vieux Orval. » « Alors, mademoiselle », tandis qu’elles les posaient devant nous, « dit-on “ vieux ” Orval ou “ vieille Orval ” ? » « On dit “ un ” Orval ! » « Tu vois ! » « Et vous savez pourquoi ? » « Je ne saurais vous le dire, ou j’ai oublié, je vais demander… » Elle ne l’a pas fait (je lui ai tout de même laissé un pourboire). De là Pêle-Mêle avec la déception accentuée : c’est de plus en plus pauvre, le rayon « ados » a disparu (mais qu’y aurais-je trouvé, tout y est « cher » ?), les Antigone sont à deux balles, le rayon « soldes » est misérable, les étagères « Pêle-Mêle » itou… Alors je me suis acheté des livres « pour moi », dont un Huston – au « prix fort », deux balles cinquante – et en offrant Lignes de faille à Sosthène. Nous sommes allés fêter ça à la terrasse du Moeder, agrandie depuis que Lemonnier – ou Anspach ? je ne saurai jamais où finit l’un et commence l’autre (apparemment, Anspach s’arrête à la place Fontainas) – est piétonnier. « Une stout », a dit Sosthène. « Ah non », a dit le garçon un peu agaçant, « c’est les Français qui disent “ stout ”, ici on dit “ staout ” ! » « Eh bien, pour moi ce sera une La Meute », au goût désagréable d’agrumes, j’ai eu un peu de mal à la finir...