Pris par la fièvre qui agite Éléonore depuis quelques mois, je continue à alimenter ma petite boutique. Elle jubile, est excitée comme une puce : « That’s a quite exciting life, just stayung home selling books throught the net ! » Elle en vend au moins un par jour (aujourd’hui trois). Son petit magasin d’intérieur, domestique, qu’elle constitue au pied de l’une de ses bibliothèques, doit approcher les sept cents articles. Je n’en reviens pas ; d’où sort-elle tout cela, d’autant que ses étagères « personnelles » n’ont en rien diminué ? C’est la question que je lui ai posée alors qu’elle empaquetait un atlas de physiologie, très joli livre aux multiples planches colorées et délicates que, pour ma part, j’aurais conservé. « But what for ? » « Je ne sais pas. Parce qu’il est beau, parce que ça peut toujours servir. » C’est ce qu’elle s’est dit durant des lustres : ça peut toujours servir. D’où une accumulation forcenée au point qu’un grand nombre de ce type de livres lui sont totalement inconnus ; elle en retrouve par dizaines. « I don’t even remember I had them. I’m fed up ! Things need to be cleared up ! » C’est peut-être la voie vers une sorte de bibliothèque idéale. J’y réfléchis, d’autant que je m’étais promis de réduire les livres, mais aussi les CD, les cassettes audio, les revues, les vinyles. Qu’ai-je donc à faire de la moitié de ces choses qui s’entassent, s’empilent, prennent la poussière au nom d’une conservation parfaitement illusoire ? Il y a quelques jours, j’avais pris la ferme résolution d’épurer le contenu des étagères réservées à la SF. Qu’ai-je à faire de tout cela aujourd’hui ? Quel est le sens de cette conservation-là dont la « nostalgie » ne pourrait même pas être le prétexte ? J’ai tout passé en revue pour, au bout du compte, ne pas réussir à en prélever un seul. C’est donc vers la souffrance que je me suis dirigé ; elle contient entre trois et quatre cents livres. J’ai tout de même réussi à en tirer une vingtaine. Puis je suis tombé sur un lot de bandes dessinées dont je suis incapable de me rappeler la provenance. D’où sortent-elles ? C’est sans la moindre hésitation que je les ai mises en ligne, ainsi qu’un dictionnaire de la musique en deux volumes de Marc Honeger ; je ne m’en suis servi qu’une seule fois : pour y vérifier la présence de Varèse (il ne s’y trouve pas) ; je ne vois pas bien l’intérêt d’un dictionnaire de la musique où Haydn tient quatre pages et Varèse n’est qu’une ville en Italie. Je vais passer en revue le contenu de ma propre bibliothèque ; je suis sûr que je vais réussir à la soulager de deux ou trois volumes. Au moins…
21 mars 2021