Achevé... La Libération, l'épuration et leur lot de saloperies : délation, trahison, fuite, lâcheté, cruauté et, plus que tout, la bêtise. Guitry, comme des milliers de ses semblables, dont nombre de personnalités, de personnes en vue, est arrêté, arbitrairement et sans aucun motif (à ce titre, ce qu'il en relate est édifiant). On connaît cette période délicieuse où le cœur du Français, dans le plus fort de son âme, a battu dans toute sa splendeur : fourberie, félonie, mesquinerie et petitesse ; et encore et toujours une effroyable bêtise. On dit que la France est le seul pays dans toute l'Histoire à avoir serré la main à un envahisseur, en gardant l'autre pour abattre son voisin. Collaboratrice, donc, puis, le vent tournant, vindicative. On connaît les femmes tondues, dénudées, marquées à la cigarette, puis la danse des crachats, et celle de l'humiliation, enfin de l'incarcération, celle de Guitry en l'occurrence dont le tort est d'être une figure de Paris. On va le lui faire payer. Des ânes contre un esprit. Il en sera marqué pour le restant de ses jours... C'est le journal de son arrestation, puis de ses deux mois en prison, c'est-à-dire largement le temps pour lui de se faire une nouvelle opinion sur le monde, notamment celui proche des amis qui fuient, se faufilent, abandonnent, voire, carrément, dénoncent... C'est davantage un document qu'un écrit, et s'il y fait malgré tout de l'esprit, le cœur n'y est pas... C'est de 1964, à la Librairie Académique Perrin, illustré de quelques dessins sobres de sa main. C'est la transcription fidèle de son journal, encore que je m'en étonne car certains faits, certaines réflexions semblent avoir été ajoutés. Autre chose : d'où sort-il le cahier (voir préface) dont il se sert ? Comment se fait-il que ses « gardiens » et ses « juges » (nombre d'entre eux n'ont pas vingt ans) ne l'aient pas su, ou, l'ayant su, n'aient pas cherché à le lui prendre, ou du moins à y jeter un œil ? Nulle mention de ce cahier tout au long de sa rédaction... Je note, p. 262, Suarez condamné à mort. Est-ce le même ? (Encore qu'il me semble que l'autre s'orthographie Suarès. À vérifier...)

8 septembre 1999