Nous sommes à la foire de Noeudville. Je profite qu’il n’y a pas de clients pour tirer de l’étal un livre au hasard : Petit fictionnaire illustré de Finkielkraut (il est donc capable d’humour). Je constate qu’il a concrétisé ce que j’avais simplement amorcé à l’époque de Billy (Le dictionnaire des mots troubles). La différence est que, chez lui, il s’agit de mots-valises ; mais l’esprit est proche. Il y a de belles réussites. (Je tombe à l’instant sur « oedipeux » qui me rappelle mon « adipeux ».) Après le creux du midi, le public revient, le ventre plein. Ça a pas mal marché depuis ce matin. Alors que je fumais, un type m’a tenu le crachoir. Comme entrée en matière, alors qu’il sortait sa cigarette : « Et un clou pour le cercueil ! C’est comme ça qu’on dit, non ? Faut bien mourir de quèqu’chose ! » Il a embraillé sur le livre qu’il venait d’acheter, consacré à Elvis. De là, la musique, sa jeunesse, son père intellectuel, la famille catholique (il a été enfant de chœur et mettait des mouches dans la burette pour embêter le curé qui a fini par le virer), la visite forcée des églises et des cathédrales dans son enfance (« mais avec l’âge, je m’aperçois que ça n’a pas été inutile »), ses filles dont l’une est en pharmacie et fait de la mécanique ; il me l’a montrée sur son portable en train de bricoler à un moteur. « C’est une belle fille, non ? » J’ai acquiescé et n’ai pas eu à me forcer car elle était en effet assez jolie – les parents sont fiers de montrer des photos de leurs enfants en précisant qu’ils sont beaux ; que disent-ils lorsque lesdits enfants sont manifestement vilains? Puis d’autres photos dont des montres ouvertes ; il est horloger après avoir été dans l’automobile.

 

20 novembre 2018