Sur mon bureau, dans une corbeille, se trouve Est-ce
l’éphémère de Jean Stéphane, l’exemplaire qu’il
m’avait envoyé et dédicacé et que j’ai découvert avec stupéfaction
à cette place à mon arrivée. Qui l’avait mis là ? d’où
sortait-il ? J’ai pensé à James, puis à Mylène, puis de nouveau à
James qui était, en toute logique, la seule personne qui ait pu entrer dans ma
salle et l’y déposer. En même temps, il y avait Mylène à qui, si
l’on m’avait posé la question, j’aurais juré que je
l’avais prêté, car, en le voyant dans ma corbeille, m’est revenu à
la mémoire le recueil de Jean-Stéphane dans lequel figure ce texte, mais
condensé. C’est du moins l’impression que j’avais eue,
qu’il était condensé, lorsque je l’avais lu dans le recueil, je
n’y retrouvais pas certains détails. J’avais donc voulu vérifier et
n’avais pas retrouvé la plaquette parmi les autres. Je m’étais
alors souvenu d’avoir eu une conversation à ce sujet avec Mylène lorsque
le recueil avait paru, souvenu de lui avoir promis de la lui prêter. Et je la
retrouve là, dans la corbeille de mon bureau, simplement posée sans aucun mot
d’explication d’aucune sorte. C’était donc à James que je
l’aurais prêté, avant son accident, c’est-à-dire il y a deux ans et
demi. En même temps, je n’en avais et n’en ai toujours pas le
moindre souvenir. J’aurais pu lui poser la question. Je m’étais
promis de le faire, mais l’étrange distance qui nous sépare depuis son
retour m’en a empêché. Je l’ai croisé plusieurs fois depuis, mais à
chaque fois, je n’ai pas eu l’occasion (ou n’ai pas osé) de
lui poser la question, et, d’une certaine manière, ça aurait été un moyen
d’entamer une véritable conversation, voire une discussion. Je le croise,
nous nous disons quelques mots de pure convention et les choses en restent là,
je reporte au lendemain l’éventualité ou la possibilité d’une
conversation, d’une explication (c’était peut-être son intention en
déposant le texte, c’est-à-dire une tentative de contact, de
conversation). Il n’empêche : le mystère qui entoure la présence de
la plaquette dans la corbeille reste entier, présence qui m’intrigue encore
tant que je n’ai même pas pensé à l’en retirer, et elle y est donc
toujours à me regarder avec sa somme de signes et de questions, attirante et
répulsive tout à la fois comme si elle était une arme particulière dans la
guerre froide que nous nous jouons…
28 novembre 2001