Hier, émail de Jacques qui me demande de
traduire de l'anglais un texte concernant une invention d'un Nigérien, système
de refroidissement révolutionnaire similaire à celui dont il a eu l'idée, qu'il
a déjà expérimenté cette année et pour lequel il s'apprête à partir à nouveau
pour l’Afrique. J'y ai passé une partie de la journée./Je suis
seul. Susan s'est décidée à partir pour l'Angleterre. Elle est partie à midi.
Elle m'a appelé vers 21 h 00. Mauvais temps, traversée difficile, route
laborieuse jusqu'à Acton, chez ses parents. Elle va passer la journée de demain
avec Jenny, à l'hôpital, ce qui permettra à sa mère de se reposer, elle qui y
est depuis plusieurs jours. Elle rentre lundi, tard, dans la soirée. J'espère
que tout se passera bien sur la route du retour.../Je ne peux
décidément plus supporter les animaux dits domestiques !/Elle est
rentrée hier, à 22 h 30, le coffre chargé de nourriture anglaise et de livres,
bien sûr. Qq cadeaux pour moi dont un bâton de « love hearts »,
White hotel de D. M. Thomas, et un inattendu How to cook
with a micro-wave... Elle était resplendissante./Pas
de nouvelles de Lionel.../La bite à tonton dans la chatte à tata
qui soupire d'aise : « Blaise ! ». (Que se passe-t-il donc dans nos
esprits par moments ?)/Discussion avec Martine au sujet de
« personnel », le substantif : comment est-on passé de l'adjectif qui désigne ce
qui appartient en propre à une personne au substantif qui désigne un ensemble de
personnes, d'êtres ? Le soir même, tout naturellement, j'en parle avec Jean et
Francko. Jean nous dit que cela vient de persona (ce dont je me doutais)
qui, à l'origine, désignait un masque, et principalement, chez les Grecs, le
masque antique : persona : sonare per, soit sonner, faire entendre à
travers (le masque, en l'occurrence). Mais cela nous sert de peu pour en
arriver à une explication. Je me rabats, aujourd'hui, sur mes dictionnaires. Le
Petit Robert le fait apparaître en 1834 et le renvoie à « matériel »,
ensemble des objets, machines, instruments utilisés dans un service, une
exploitation (opposé à « personnel »). Quant à l'étymologie que le même
Robert donne : famille savante du latin persona « masque de théâtre »,
« rôle », « personnage » et déjà chez Cicéron « personne », employé en grammaire
pour traduire le grec prosopon, et constamment opposé, en droit romain, à
res « chose » [nous rejoignons le matériel] : peut-être emprunté au grec
prosopon, (voir œil) par l'étrusque phersu qui, à en juger
par le monument où il est inscrit, pourrait signifier « masque ». Puis :
Personne XIIe siècle «
être humain ». fin XIIIe
siècle auxiliaire de la négation : persona ; Personnel XIXe
substantif masculin, peut-être sous l'influence de l'allemand Personal :
bas latin personalis. Et à présent ?.../Jacques part demain
pour l'Afrique. Il revient en mars.../Au coin de l'Avenue des
Nations-Unies et de la rue Saint-Antoine, à deux pas de chez nous, il y avait un
restaurant arabe, dont j'ai oublié le nom. En deux ans, nous n'y avons vu qu'un
seul couple attablé. Il a fermé il y a un an. Durant les dernières semaines, des
travaux se sont faits. Un nouveau restaurant remplace l'ancien ; il s'agit de
La gazelle des Nations Unies ! Ils ouvrent ce soir. J'y invite
Susan dans le cadre du soutien de la vie du quartier (quarter's sake). Peut-être
serons-nous le seul couple à y avoir mangé un jour.../(Susan qui
recoud le pantalon de Jacques pendant qu'il mange son tiramisu ; mes sandales de
ville que je lui donne pour qu'il se présente décemment à son colloque de
scientifiques mercredi)./À l'expo de Janusz, Jacques et moi :
« Il y a de la peinture, » dit Jacques. « Y'en a, » ai-je dit. «
Mais pas que ça. » « Quoi, alors ? »... À l'intérieur
de la goutte qu’il vient d’arracher, une section blanchâtre, bien circulaire,
qui ne dit rien de son secret. La peinture est donc une couverture à autre
chose. « Dans sécrétion, il y a secret, » ai-je dit.
Ou ne l'ai-je que pensé ?.../13 h 30, je prends mon café quand tout
à coup l'illumination se fait et fait éclater la vérité du VOCABERE sur lequel,
depuis ce matin, je bute : VOCABERE pour VOCABERIS et donc GENETRIXQUE VOCABERE
FRATRIS devient « et ne seras-tu pas appelée mère de ton frère ? » !(Myrrha
amante de son père, fin du monologue.)/Grec, subjonctif inducteur,
suite.../Petite escapade au Va Zen avec Nathalie, où nous
testons la tarte au boudin, puis le gâteau trois chocolats. Parfait./(Nathalie,
la petite robe résinée de ses Beaux-Arts...)/Nous nous voyons jeudi prochain
pour faire le marché où je compte acheter quelques légumes. Elle connaît les
bonnes adresses.../« Violet, c'est la couleur de la femme, » me dit
Nathalie. Femme chaude, de l'amour. Du feu de la
femme. « Ah bon ? »/Rêve avec un concombre entre les
jambes (rien à voir avec CONCUMBERE, j'ai vérifié). C'est une chambre muni d'un
placard comme celui de ma chambre d'adolescent. des revues, des magazines s'y
trouvent que je pense à aller chercher pour me défouler. Mais quelqu'un entre
(Susan ?), présence qui m'en empêche. Puis sort. Ainsi deux ou trois fois sans
que je parvienne à mettre la main sur la photo convoitée. Je me réveille
frustré.../Au soir, passage aux Lisières. Claire, la
veille au téléphone, m'avait fait part de deux lectures : l'une à
la boutique, un poète dont j'ai oublié le nom, une seconde au
Café des Orphéonistes, un auteur dont j'ai aussi oublié le nom.
Je développerai tout cela demain.../La nouvelle employée de Nadia,
à Flash-copy, que j'ai découverte ce midi, brunette aux allures de chienne et à
la mise moulée, qui m'a fait monter le sang.../Ai achevé un premier
plan, enchaînements, transitions, coupes diverses. Je crois que c'est pas mal.
À tester samedi.../Hier soir, le chien qui attrape un rat devant
mes yeux. Le croque. Une fois, deux fois, trois fois. Et ainsi de suite. À
chaque fois, j'entends distinctement les os craquer. Je suis retourné dans la
cuisine, pris d'un vertige. Lorsque dix minutes plus tard, je suis retourné dans
la dépendance, le cadavre avait disparu. M'est venu alors à l'esprit que le
chien l'avait entièrement dévoré…/Coup de fil de ma mère en pleurs. Elle me
reproche d'avoir annulé ma visite de dimanche. « Tu as le temps pour aller dans
tous les pays, à droite, à gauche, sans arrêt, et tu n'as pas le temps de passer
voir ta mère ! » Que dire ?/Nous sommes à moins de deux mois de
l'échéance et rien ne se fait, rien ne bouge vraiment. Et je m'en fous !/(Je
me sens de moins en moins indispensable pourrait être une formule
assez proche de ce que je ressens.)/Ruminer, ou écrire que je
rumine ?/Je suis dans le bon état d'esprit pour entamer le roman de
ma vie, l'édifiante histoire de ma vie amoureuse. Ce qui me
coûterait beaucoup de tension, de mal aise, de tabac. Ce qui
peut-être déstabiliserait notre vie. Et je n'ai pas envie de
déstabiliser notre vie…/Histoire de l'œil, suite et fin.
Je suis secoué de toutes parts : c'est sans aucun doute le texte le
plus terrible
que j'aie pu lire jusqu'à présent. Je ne vois
décidément rien à ajouter.../«
Hello, laughing man ! » me dit Susan
hier en rentrant.
C'est comme ça que j'apprends que dans la
nuit j'avais ri en dormant !/