J'en ai lu une bonne moitié dans
le train, sur le chemin du retour. C'est étonnant, un dialogue d'un seul tenant
sur près de cent-quatre-vingt pages ; dialogue de deux solitudes sur un banc de
square : un petit représentant de commerce, une domestique. Mais ce n'est pas ce
qui est étonnant. Ce qui l'est, c'est l'écriture. C'est la réflexion.
C'est l'intelligence, la souffrance... À plusieurs reprises, j'ai dû frissonner,
pris subitement d'un cafard plus lourd que celui qui me tient depuis le matin...
À plusieurs reprises, je me suis demandé comment on pouvait parvenir à aller
jusqu'au bout d'un texte comme celui-ci, sans avoir envie de pleurer ; de
crier ; sans avoir envie de mourir... J'ai eu l'impression que ce texte pouvait
faire mourir. Ou que son auteur devait fatalement mourir après l'avoir écrit. Ou
en l'écrivant...
Mais peut-être est-ce moi, mon cafard – mais quelle délectation –
qui me l'a fait voir ainsi...
20 août 1990