« Sur le coup de minuit, un jeune monsieur aux regards de faon, emmitouflé dans un énorme paletot, entrait fièrement – été comme hiver – et demandait un raisin, ou deux poires, ou deux pommes. C’était Marcel Proust, qui n’avait encore publié qu’un livre de critique sur Ruskin et de merveilleux pastiches de Balzac, Stendhal et autres, parus au Figaro. J’ai toujours chéri Marcel, qui, par ailleurs, était très lié avec mon frère Lucien. Il venait s’asseoir à notre table et commençait à grapiller son raisin ou peler sa poire, en faisant des compliments à tout le monde : « Monsieur, oh monsieur, comme j’ai aimé votre dernier livre !... Avez-vous terminé cette belle pièce, dites, monsieur ?... Pardonnez-moi, madame, quelle est, au jour, la couleur de cet adorable manteau ? »