
Visite à La
Fabrique pour achat de chaussures. Le hangar de la Braderie aux livres était ouvert. Une
multitude de choses intéressantes, mais en général, un peu chères.
Nous en ressortons les bras chargés (ma rage de ne pouvoir tout
acheter, tout ce qui me plaît). Parmi mes livres, La Mer écrite de
Duras que j'ai avalé en trois secondes dans la voiture alors qu’Éléonore
faisait des courses. Des photographies d'Hélène Bamberger, des
textes illustratifs de Duras pour chacune d'elles. C'est fin (c'est de
l'épaisseur du livre que je parle), ça se lit très vite, d'où l'
« avalé », dans lequel n'entre en aucune façon le plaisir, car c'est
tout bonnement exécrable... Duras s'évertue plus que jamais à
faire exprès de mal écrire. Ce n'est plus de la caricature, mais
de l'autodérision. C'est très proche du gâtisme ; c'est exaspérant,
irritant, et, en définitive, grotesque. S’il n’y avait mon
attachement au livre – et celui-là est malgré tout
joli –, je l'aurais jeté (et en lisant cela, je n'ai pu faire
autrement que de penser à Bobin, que j'ai adoré, puis
très vite détesté lorsque je me suis aperçu que ce n'était pas de l'écriture,
mais un truc d'écriture. De même, ce livre est un truc d'écriture. Et je peux
même ôter l'écriture pour ne conserver que le « truc » –
procédé, mais aussi : machine, bidule, bazar...) (Je pense
aussi au fait que tous deux sont totalement dépourvus d'humour. Pas
la moindre once d'humour, nulle part. Un être dépourvu d'humour est une
mécanique. En l'occurrence, mécanique d'écriture, mécanique de vie. Même
Proust a de l'humour ; même Faulkner a de l’humour...)
19 janvier 1998