Répétition : essai de ma dernière version qui
sera la définitive. Petit à petit, les choses se mettent en place.
Je suis relativement confiant.../Rentré à 22 h 30. Elle n'était pas
encore revenue de sa soirée avec des collègues. Elle aussi est un peu grippée.
Des quinte de toux ponctuent régulièrement le silence de la maison comme si nous
élaborions une nouvelle sorte de langage – phrase ballardienne, certainement pas
innocente vues les circonstances, soit la lecture de Super-Cannes que je
viens d'achever…/Mal fichu, toujours, infection pulmonaire. Je ne
me suis pas rendu à la lecture de la Trousse ce midi, ai annulé ma visite
de demain chez Hervé. Ai passé la journée au balisage de la Rue,
puis à la préparation du programme pour le 31./Il est près de
21 h 00. Café, cigarette. Susan est malade. Bronchite.
Elle est au lit. Lit. Moi je tente d'écrire. N'y parviens pas.
Légère tension au ventre. Sans raison particulière.../Ai regardé la
copie du Plumage de l'ange que Francko m'a prêtée. Quelques
erreurs de montage qui m'ont surpris et le son fluctuant. C'est
réellement dommage, car l'ensemble est tout de même assez étonnant…/Le
cadeau du C.E., comme chaque année, dont voici la teneur : un panier en osier
contenant, emmitouflés dans la paille : une boîte de truffes
fantaisie (?) ; une boîte de foie gras de canard entier du
Sud-Ouest cuit au torchon en gelée au Sauternes
(est-ce le torchon qui est en gelée ?) ; une boîte de « Lou Papitou »,
pâté de campagne à la mode du Périgord ; un bocal de
foie gras d'oie entier ;
une boîte de pâté délice périgourdin, 20 % de foie gras de canard ;
une boîte de terrine de foie de volaille aux cèpes ; une bouteille
d'apéritif aux noix ;
une demi-bouteille de Château La Barrière, 1999, Côtes de Bergerac
moelleux ; une demi-bouteille de Château Les Foucauds, 1998,
Bergerac rouge./Hier soir, en rentrant, stupéfaction en découvrant
le mur de la cuisine entièrement recouvert de placoplâtre : dessous, le
carrelage du début du siècle !/Roman qui me demande alors que nous
dévorions des tartines à la mimolette : « Qu'est-ce que tu voulais faire quand
tu étais petit ? » « Cosmonaute, capitaine de bateau, ingénieur dans une
centrale atomique. » « Et après ? » « Après ? Ce que je fais aujourd'hui : de la
musique, de l'écriture. » « Moi, quand j'étais petit (il a 11 ans !), je voulais
être mathématicien, astronaute, pilote de canadair, bûcheron. Tout à la fois. Je
voulais faire plein de métiers à la fois... »/Les mots, à l'image
de l'encre, ont un temps de séchage à l'air plus ou moins long.../Règle de vie :
jusqu'à 50 ans, accumuler ; de 50 ans jusqu'à la mort, se débarrasser petit à
petit et jour après jour, de chaque chose, objet conservé jusqu'à
ce jour ; s'arranger pour, le jour venu, être complètement nu.../Chinois
avec Susan où, je ne sais plus comment, nous en sommes arrivés à Swann, et de
là, éternelle discussion sur nos divergences en ce qui concerne Proust :
l'amour, la jalousie, l'obsession, et de là, bien sûr, la référence au passé, le
sien comme le sien.../Je passe chez Decock acheter du dégrippant pour
potentiomètres. Sur le retour, je tombe sur Francine qui cherchait une
imprimante à acheter. Elle me dit que Claudine ne va pas bien du
tout, qu'elle ne sera pas présente le 31. Je pressens
le pire, et elle, je crois, de même, sans que nous ne nous le
soyons dit.../Paul n'arrête pas de dormir. Yann est parti pour
Paris dans l'après-midi. Joséphine part de même pour Paris dimanche... Pour
l'heure, il y a cinquante-sept personnes prévues.../Un groupuscule
extrémiste qui investit la salle des lys afin de s'octroyer le droit à la
première cuisse dans la cuisine (nous l'avons échappé belle).../Joséphine
à la maison depuis hier... Demain tarot… (Thierry assez étonnant en
comédien !)/Hier, tarot chez Thierry et Patrick. Avec Nathalie et
Sylvie, toutes deux particulièrement remontées. Nous avons bien ri./Je mets au
point le plan définitif pour la lecture (présentation).../« Je suis
ordinaire, complètement ordinaire, je suis exactement comme n'importe qui, je
suis peut-être la personne la plus ordinaire qui soit parce que ceux que
l'on remarque sont à l'extérieur, à la marge, tandis que moi je suis
exactement au centre du monde, là où personne ne me voit, tellement je suis
ordinaire. » Puis, avec un sourire : « Je suis
extraordinairement ordinaire. » « Alors, nous sommes deux au centre du monde, »
ai-je ajouté pour clore définitivement./(Les
chaussures à poils rouges de Nathalie. On dirait une fillette qui
aurait grandi trop vite...)/Dans
ses derniers émails, Francko me parle de Don Quichotte et de Dulcinée (étym. ?
DULCIS, mais encore ?), et de là de Borges qui a réécrit Don Quichotte :
l'histoire de Pierre Ménard. C'est moi qui ai mentionné Pierre Ménard, cette
nuit, dans ma réponse. Ce matin, en entamant le chapitre 16 de
Super-Cannes, je tombe sur le nom de Pierre Ménard, l'un des
protagonistes !/(Cette nuit, Y***, à mon bureau. Comme ça...)/Il
fait froid, mais ensoleillé. Temps agréable !.../Route sous la
pluie jusqu'à Acton. Faute de ne pouvoir fumer, j'ai bu et mangé. Sherry
(medium), puis buffet froid avec un pseudo blanc alsacien moelleux assez
exécrable appelé Blue Nun. Arrivée d'un voisin, puis d'un couple
d'autres, l'homme à l'étrange allure, pince-sans-rire, légèrement efféminé, très
anglais dans ses manières et sa façon de parler.../10 h 00.
Petit déjeuner expédié. Je suis dans la chambre, première cigarette
en main. J'écris sur l'appui de fenêtre, vue sur le jardin/parc.
L'eau du bassin est gelée.../« Mais tu ne sais pas où ils
habitent ? » « J'ai oublié : à chaque fois, je me trompe. »
« Mais tu n'as pas leur adresse ? » « Non. Mais ce n'est la peine
puisqu'à chaque fois je me trompe. » «… ! » Puis :
« Tu tournes là. Non, là. » « Tu es sûre ? »
« Oui… Non ! là ! »