Je me suis rendu compte que par ce choix purement
arbitraire, et dans le fond un peu idiot, visant à établir une méthode, voire
une recette, de lecture, je regardais d'un tout autre œil le livre
considéré, ou, pour être plus précis, y portais une attention tout autre ; une
attention très certainement différente de celle que je lui accorderais si je
l'avais choisi « normalement ». Ce que je veux dire, c'est que la
part de distraction qui entrerait dans une lecture normale n'apparaît pas dans
cette lecture choisie, dirigée. Je lirai peu d'un ouvrage voué au survol, mais
ce que j'en lirai aura toute mon attention et, certainement, ne sera pas
oublié... Ça s'est produit pour le Conrad que j'ai commencé avant-hier
(que je n'achèverai certainement pas, même si l'intérêt dans ce cas est évident
du fait que j'aime Conrad, que j'ai lu bon nombre de ses livres et qu'il
m'intéresse en tant que personnage), aujourd'hui avec le Walser, hier ou avant-hier pour le Eno inachevé... Cette attention est très
certainement provoquée par les scrupules que j'ai, malgré tout, à agir de la
sorte... Le grand avantage de cette méthode, c'est qu'elle me libère de cet
affolement – de plus en plus fréquent et de plus en plus prononcé –
que je connais à chaque fois que je considère le nombre sans cesse grandissant
des livres en souffrance...
10 juillet 1997