Il s'agit d'une auto-interview. J'ai souvent dit que je n'aimais pas beaucoup Céline, mais que je saluais l'invention (c'est son propre terme) de son style. Il n'y a d'ailleurs pas que moi, car lui-même le souligne, s'attribuant même le titre du plus grand écrivain du siècle. Sous la plume de n'importe qui d'autre, cela paraîtrait d'une incroyable prétention. Là, non. Car si l'écriture est le style (et l'écriture est le style), il a raison (et cela appelle une question toute personnelle : ai-je un style ?)... Auto-interview, il parle donc de lui (évidemment), donc d'écriture, donc de littérature, donc d'homme et d'expression. Il note, réflexion que je me suis souvent faite et retrouve pour la première fois émise par quelqu'un d'autre – ce qui, du reste, n'a pas manqué de me piquer un peu –, le fait que depuis le XIXe siècle, toutes les formes d'expression s'étaient affranchies de leurs règles, sauf la littérature. Il ne se l'explique pas ; moi non plus... Il note aussi que la littérature actuelle (celle de l'époque, mais rien n'a changé) est d'autant plus ridicule et grotesque que le cinéma la remplace très avantageusement : le roman dans son ensemble n'est qu'un scénario pour le cinéma. C'est tout à fait juste. L'immense majorité de la littérature n'a pas lieu d'exister...

23 septembre 1990