« – Oui, mon capitaine, me répondit-il, je suis chirurgien. Il y a vingt ans que je suis dans cette ville, où je vivais dans la misère, car il ne m’arrivait d’exercer mon métier que pour saigner, pour appliquer des ventouses, pour guérir quelque écorchure, ou pour mettre un pied à sa place dérangé par une entorse. Ce que je gagnais ne me suffisait pas pour vivre ; mais depuis l’année passée, je peux dire d’avoir changé d’état ; j’ai gagné beaucoup d’argent, je l’ai mis à profit, et c’est vous, Dieu vous bénisse, qui avez fait ma fortune.

– Comment cela ?

– Voici toute la courte histoire. Vous avez communiqué une galanterie à la gouver-nante de D. Jerome, qui l’a donnée à un ami, qui de bonne foi la partagea avec sa femme. Cette femme à son tour la donna à un libertin qui en fit un si grand débit qu’en moins d’un mois j’ai vu sous mon magistère une cinquantaine de clients, et des nouveaux dans les mois suivants, que j’ai tous guéris, me faisant comme de raison bien payer. J’en ai encore quelques-uns ; mais dans un mois je n’aurai plus personne, car la maladie n’existe plus. Quand je vous ai vu je n’ai pu m’empêcher de me réjouir. J’ai vu dans vous un oiseau de bon augure. Puis-je me flatter que vous resterez ici quelques jours pour la renouveler ? »