Je me traîne un peu, suis peu disposé à la lecture, ou au piano, ou à l’écriture. Je viens de consulter le
livre que Pétunia m’a offert hier, Mauvais genre(s). Art. Le corps, le
sexe, violence, mais le sexe principalement, mutilation, mortification, et cette
image en ouverture, que je n’ai pu regarder longtemps (quelque chose a bougé
dans mes viscères) : le supplice des cent morceaux appliqué à un homme autour
duquel sont groupés des Chinois. C’est bien en Chine que ça se passe (mais où
sinon ?), début XXe sans doute (je n’ai pas vérifié). À cet homme,
debout, attaché sans doute, manquent les bras et apparaissent les côtes. Son
visage est figé dans une drôle d’expression (drôle). Je ne sais dire s’il est
mort ou vivant ; vivant sans doute car ça ne pourrait être un supplice s’il
mourait avant l’ablation du centième et dernier morceau. Raffinement. Le
plus inquiétant, c’est qu’un jour, quelqu’un a imaginé ce supplice, y a passé
beaucoup de temps pour le mettre au point, pour déterminer le nombre de morceaux
(quelle règle ?) et l’ordre dans lequel ils devaient être prélevés. Qu’avait cet
homme (ou ces hommes) en tête à ce moment-là ? (Et je pense à l’instant à
Mirbeau.) J’imagine des discussions, des controverses quant à la nature des
morceaux et à l’ordre. À quoi cela répond-il ? (Mais il y a bien eu son
équivalent en Occident.) Je pense que ça va au-delà du châtiment, de la
punition. Et puis, outre les concepteurs, il y a les bourreaux et le public.
Qu’y avait-t-il dans la tête de ces gens qui justifiait de tels actes ?
(Le présent convient tout aussi bien.)
1er janvier 2004