Le motel est typiquement américain. Il est lié à une culture, à une mentalité, une histoire, une nature, une géographie. Bégout en tire des réflexions, des leçons, des déductions (conclusions) qu’il applique au monde. Il existe sans doute des modèles, des répliques du motel dans le monde ; mais cela ne fait pas du monde une pousse des États-Unis. Le monde n’est pas états-unien et ne le serait pas même si les motels proliféraient en Chine, au Bénin, en Italie et au Pérou. Ainsi, il ne s’agit plus d’un livre sur le motel, mais sur autre chose non nommé (l’errance moderne, le nomade urbain et moderne ?) et que je pourrais lui laisser le soin de nommer. Quoi qu’il en soit, les généralités déduites de ce cas très particulier et spécifique me semblent hors-texte. Hors-sujet. Et c’est ce que l’on pourrait apposer comme conclusion ou commentaire s’il s’était agi d’une copie : hors-sujet… En bref, je suis en train de lire un livre sur le motel où il est de moins en moins question de motel et de plus en plus d’une idée générale sur le monde qui me semble avoir de moins en moins de rapport avec le motel. Je lis un livre sur un monde qui me semble de plus en plus appartenir à une autre planète. (Et je note à l’instant que le titre exact est « le motel américain » ; au-delà du pléonasme, il révèle bien que c’est des États-Unis que l’on nous parle, et non du monde, le monde dans lequel l’auteur s’égare de plus en plus – ou alors, va-t-il retomber sur ses pattes ?… Je note incidemment sur le rabat de la couverture : « des films comme Paris Texas […] ont fait du motel un élément essentiel de l’imaginaire contemporain. » Ah bon ?) La casquette du paysan lourd de l’Alabama qui devient le signe de reconnaissance des rappeurs européens (mais pas seulement) me semble autrement plus intéressante (plus juste, et plus grave) que le motel qui, au bout du compte, ne regarde et ne concerne qu’une infime partie de la population du globe…

 

17 mars 2003