On m'a vendu un livre aux pages collées. Je pourrais le rapporter, mais au lieu de cela, j'ai jugé bon de le lire tel quel, avec ses pages collées ; c'est-à-dire écarter les pages pour pouvoir m'y glisser (plutôt que d'y entrer de plein fouet). Ça fait une espèce de tente, c'est marrant (de l'influence de ce qu'on lit sur ce que l'on écrit immédiatement après : ces mots ne m'appartiennent pas). Ou bien on pourrait le mettre sur la tête, ça ferait un chapeau, ou un bonnet... Un bonnet de bain (Bobin de nez)...

Je suis content : Bobin ne ressemble à rien de ce que je pourrais
être amené à aimer écrire un jour. Je peux cesser d'être jaloux...

Il faut écrire beaucoup pour écrire peu ; mais le beaucoup doit
valoir autant que le peu. À mon sens... (Et lui ? écrit-il beaucoup ?...)

Il faut des mots pour dire qu'il « n'y a pas de mots dans le monde, il n'y a que des gestes ». Je dis qu'il n'y a que des mots, car même lorsque l'on ne dit rien, on pense (ou on ne pense pas) en mots : les pensées, les silences, les gestes sont formés de mots (même une image n'a de sens qu'en mots ; et comment dire autrement puisque l'on ne connaît pas d'autre monde que celui des mots, et que le monde n'est fait que de mots ?)...

10 novembre 1992