Par un précédent lecteur, sans doute le même que celui

qui a consigné les quelques mots dont il ignorait la signification :

 

« Ce que nombre de critiques ont qualifié de “ gaieté réfléchie, calculée, derrière laquelle on sent battre un cœur ” n’était autre que la désespérante indifférence avec laquelle je me transformais en marionnette. Sale histoire d’ailleurs quand le fil se rompait et que je retombais sur moi-même. » (11)

 

 « Le silence est une arme excellente. » (13)

 

 « Je souffre d’un mal plus effroyable encore :

ma vocation pour la monogamie. » (18)

 

« […] personne au monde ne peut se

mettre dans la peau d’un autre […]. » (42)

 

« Je songeai aussi que certaines formes de franchise masculine

sont plus cruelles que le silence […]. » (53)

 

« On ne sait jamais ce dont un être est capable

sous la pression de son idéologie. » (75)

 

« La quête impétueuse de l’âme de l’artiste. » (109)

 

« Ce dont un clown a besoin c’est de tranquillité, il a besoin de l’illusion de jouir de ce que les hommes ordinaires nomment des heures de loisir. Mais ces gens-là ne comprennent justement pas que pour un clown l’illusion du loisir réside dans l’oubli de son métier, ils ne le comprennent pas parce que leur préoccupation majeure […] consiste à user de l’art pour meubler leurs propres loisirs. » (110)

 

« Ce qui m’empêche de goûter le repos, c’est mon

incapacité à me limiter ou […] à concentrer mon action. » (111)

 

« Dès qu’une chose cesse de

m’amuser, elle me rend malade. »

 

« Je n’avais encore jamais réussi à reproduire

“ l’humain ” sans tomber dans le vulgaire. »

 

« […] dès que j’essayais de mimer la vie d’un

homme, je retombais aussitôt dans la caricature. »

 

« Ce que je réussis le mieux, c’est la représentation d’absurdités quotidiennes : j’observe, fais la somme de mes observations, les élève à une certaine puissance dont j’extrais la racine […]. » (112)

 

« De cette somme d’observations, j’ai tiré une pantomime […]. »

 

« Je sais exprimer le lyrisme de l’enfance : dans la vie d’un enfant, le banal a de la grandeur, il est insolite, incohérent et toujours tragique. Un enfant […] ignore les loisirs qui ne commencent à exister pour lui qu’à partir du moment où, devenu adulte, il adopte les “ principes d’ordre ”. » (113)

 

« Artistes et femmes sont de loin les êtres que

l’on exploite avec le plus de facilité. » (123)

 

« […] l’acte de chair est quelque chose de plutôt violent […]. »

 

« Tout ce qu’on dit, prêche et enseigne sur

cet acte “ violent ” n’est que pure hypocrisie. »

 

« […] vous vous leurrez d’illusions lorsque vous vous évertuez à séparer dans cette affaire le côté purement physique de celui qui ne l’est pas, quand c’est précisément l’élément non physique de l’acte qui est complexe. »

 

« […] c’est le nombre d’abrutis qui considèrent

leur femme comme leur bien légitime. »

 

« Toutes les éventualités […] doivent

nécessairement être réglementées. » (144)

 

« Vous aiguillez l’acte naturel sur un rail que vous nommez adultère et, quand cet acte naturel fait irruption dans le mariage, vous déclenchez aussitôt le sentiment de culpabilité. Péché, confession, pardon et la suite. Le tout légalement réglementé. » (145)

 

« […] les catholiques : ils veillent sur leurs trésors […] comme les pires des avares. ce qui ne les empêche pas de former la communauté la plus présomptueuse que je connaisse. Ils tirent vanité de tout : de ce qui fait la force de leur Église comme de ce qui en fait la faiblesse, et ils s’attendent à ce que tout individu doué d’une intelligence normale se convertisse sans délai. » (146)

 

« […] presque tous les catholiques cultivés ont de trait commun : ils se blottissent derrière le rempart de leurs dogmes non sans répandre autour d’eux les principes qu’ils en extraient, mais essayez de les confronter sérieusement avec leurs “ vérités inébranlables ” […]. » (147)

 

« La solitude me rend maladroit. » (149)

 

« Un clown devant surtout frapper par l’impassibilité de son visage est donc tenu d’en entretenir la mobilité. Autrefois, avant de me mettre à l’entraînement, je commençais toujours par me tirer la langue, ceci pour entrer en étroit contact avec moi-même avant de me devenir étranger. » (161)

 

« Les grands mots paraissent toujours un peu bêtes […]. Il te manque ce qui transforme

n’importe qui en homme véritable : la faculté de s’accommoder de son sort. » (164)

 

« A-t-il dit qu’il me fallait d’abord perdre mon âme, bref

me vider complètement pour pouvoir alors m’en offrir une nouvelle ? »

 

« Mais je ne veux pas perdre mon âme,

je veux au contraire la récupérer. » (170)

 

« Que les critiques aient l’esprit critique, ce n’est pas cela qui est fâcheux, mais bien le fait qu’ils soient totalement dépourvus de sens critique et d’humour vis-à-vis d’eux-mêmes. C’en est affligeant. » (171)

 

« […] l’ascèse comme le fondement même de la pantomime. » (182)

 

« […] l’ascèse est un plaisir coûteux […]. » (183)

 

« L’argent, c’était comme le “ désir charnel ”, personne n’en parlait de façon précise […].

Ou bien on le “ sublimait ” […] ou bien on le tenait pour vulgaire en soi […]. » (186)

 

« Rares sont ceux dont on souhaite

la présence quand on pleure. » (187)

 

« […] les réalistes étaient aussi bêtes que ces marionnettes qui, porteraient-elles cent fois

la main à leur cou, ne découvriront jamais le fil au bout duquel elles s’agitent. » (188)

 

« […] le mur invisible de cet argent […]. » (193)

 

« Vous n’imaginez pas à quel degré le seul fait de

vouloir croire quelque chose vous facilite la vie. » (196)

 

« Je finis toujours par tomber au pouvoir de ma propre imagination. » (201)

 

« Ces gens-là ne comprenaient pas que le secret de la terreur réside dans le détail. Se repentir de grandes choses, erreurs politiques, adultère, meurtre, antisémitisme, voilà qui est simple comme bonjour… mais quel est celui qui, connaissant le détail, peut pardonner ? » (209)

 

« Une femme est capable d’exprimer ou de faire espérer tant de choses avec ses mains […]. » (223) Il me paraît étonnant qu’elle/lui (mais je pencherais plutôt pour « elle ») n’est pas relevé(e) le reste de la phrase, soit : « que les mains d’homme me font toujours l’effet de morceaux de bois enduits de glu. »

 

« On ne peut renouveler les instants pas plus

qu’on ne peut les communiquer. » (230)

 

« Parler de tels instants est déjà une erreur mais vouloir les renouveler est un suicide. […]

Il existe des instants rituels qui renferment en eux-mêmes leur répétition […]. »

 

« Jusqu’où peut mener la sentimentalité ! Il faut laisser

les instants tranquilles, ne jamais essayer de les renouveler. »

 

« Mon malheur est tel que je ne puis le décrire. » (231)

 

« Chacune de mes tentatives pour renouer mes fils de marionnette et

m’y cramponner était d’ores et déjà vouées à l’échec. » (243)

 

« […] l’essence du comique résidant dans le fait de présenter au public sous une forme abstraite des situations tirées de sa propre réalité et non d’une réalité qui lui soit étrangère. » (245)

 

« Se cramponner au passé est une hypocrisie du seul fait que

personne d’autre n’a vécu ces fameux instants […]. » (254)

 

« J’aurais dû penser plus tôt à la sentimentalité

meurtrière inhérente aux objets. » (256)

 

« Mieux vaudrait dire : gris légèrement rosé. Couleur triste pour une cause triste où il y avait peut-être place pour un clown coupable du pire de tous les péchés qu’un clown puisse commettre :

éveiller la pitié. » (257)

 

« […] je sentis combien peuvent être redoutables les objets qu’on laisse derrière soi en s’en allant, ou en mourant. […] la vie continue ou quelque chose d’approchant, mais je savais pertinemment que c’était faux. Ce n’est pas la vie qui continue, mais la mort. » (260)

 

« Ma nature d’artiste me rend particulièrement

sensible à l’esthétique de la répétition du geste. » (263)

 

« Je reculais en effet devant l’idée de suicide, et pour une raison qui peut

paraître fort présomptueuse : mon désir de conserver son clown à Marie. »

 

« Restaient la migraine et la mélancolie, mais elles me sont aussi familières

que l’idée de la mort dont un artiste ne se sépare pas […]. » (264)

 

« […] il y a toujours des lacunes dans des systèmes aussi rigides. –

Oui, il y en a, comme à l’armée, mais j’y répugne : je tiens à marcher droit. » (271)

 

« Je suis un clown qui recueille des instants. » (274)

 

« L’habitus professionnel est la meilleure des protections, seuls les saints et les amateurs peuvent être frappés de mort. M’écartant de la glace, je rentrai plus profondément en moi-même en même temps que je m’en éloignais. » (280)

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