Je viens de finir la vaisselle, suis à la table du séjour ; Éléonore en face de moi, à sa place, face à son ordinateur, « joue » avec une traduction (« it’s like a game ») – elle peut faire ça pendant des heures, copier, coller, du français à l’anglais, des mots, des petits bouts de phrase. Auparavant, j’étais au jardin avec Berendt, un café et une vraie cigarette (la sixième et dernière). Il fait froid, j’étais en blouson que j’avais enfilé pour manger – artichauts (décevants), omelette au fromage, salade composée, le tout avec le Ciù ciù (nous commençons à utiliser les restes, dans deux jours, c'est le départ). Auparavant, nous étions à la terrasse de Margaret Duchamp. Le but initial, c’était la fameuse boutique des Malefatte (en ai-je parlé ?). J’avais trouvé une adresse Rio Terà dei Pensieri et une localisation sur Google Map qui la situait à l’angle de la fondamenta de la Coop de Piazzale Roma. Nous y sommes allés, elle ne s’y trouvait pas. C’est alors que m’était revenu à la mémoire que Rio Terà dei Pensieri n’était pas du tout là ; je le connaissais, pouvais même le situer et je me suis souvenu que j’y avais vu une prison (c’était lors de mon dernier séjour). C’est à deux pas. Nous avons bien trouvé la prison, je ne m’étais pas trompé (au fait, le tramway est achevé), mais pas la boutique. Nous en avons fait le tour pour nous retrouver Fondamenta Foscarini et de là à Santa Margherita. Nous nous sommes installés au soleil, macchiato, decafeinato, un verre d’eau (qui m’a été compté). C’est là qu’Éléonore a eu cette idée de louer un appartement à Venise pendant douze mois et de laisser la maison à Laura et Romero pendant ce temps. « Est-ce que tu as vraiment envie de vivre à Venise pendant douze mois ? » lui ai-je demandé. « Je ne sais pas ; si j’en ai assez, je prends l’avion et je rentre. » « De toute façon, je travaille encore. » « Mais tu auras ta retraite bientôt. » « Oui, mais d’ici là, Laura et Romero seront partis. » « Oui, mais ils peuvent toujours revenir habiter la maison… » J’ai laissé flotter cette idée en regardant la ville autour de moi. Elle a l’art de ce genre d’idées, mais est-ce si fantaisiste que cela ?...