Chercher mes mots, c'est ce que
je fais depuis que j'ai entamé cette rédaction. Mais déjà en
regardant, je les cherchais. Parler de la musique, parler des
voix, essentiellement féminines, parler du jeu, ce jeu spécial
du chanteur lyrique qui toujours m'époustoufle, parler de
l'image et de cette fameuse mise en scène. Chercher tout en
attendant le moment crucial, final, promesse d'un grand moment,
celui d'une trouvaille de mise en scène, tel que cela a été
rapporté par l'auteur de l'article et par le présentateur de
la chaîne. Chercher encore pour parler de ce qui me gênait, de ce qui
m'enchantait. Dire, par exemple, que pour la première fois dans le cadre d'un
opéra, j'ai regretté de ne pas comprendre la trame, de ne pouvoir saisir tous
les mots, la musique, l'acte ne suffisant pas ; mais dire aussi que le texte est
souvent pauvre, qu'il manque de rigueur, d'adresse et de justesse en tant
qu'attache à la musique, à la partition. Dire aussi que j'ai été très surpris
par cette partition récente qui s'inscrit dans la tradition du genre, opéra
classique, du moins tel que l'a incarné Puccini qui en a fermé le rideau ;
surpris, mais subjugué car, quoi que j'en dise, cet opéra-là, purement
émotionnel, m'émeut et me ravit. Dire encore que je me suis particulièrement
attaché au visage d'Anne-Marie Schmidt dans le rôle de sœur Blanche, son visage
et son étrange bouche aux lèvres singulièrement mobiles, son visage qui m'a
rappelé celui de Roxane (la compagne de Childéric), mais aussi, et c'est là
que les coïncidences interviennent, celui de
Clotilde de Bayser, cette comédienne discrète dont
j'avais oublié l'existence, dont j'ai fortuitement retrouvé le
nom cette après-midi dans une page de mon journal de 1993,
dont je suis tombé sur le nom et le visage dans un numéro
de 1988 des Cahiers du Cinéma acheté
cette après-midi et lu ce soir juste avant la diffusion. Dire
encore que c'est vrai que la mise en scène est belle, belle
comme l'est son auteur, et je suis heureux de la coïncidence de
ces deux beautés, heureux que cette beauté lumineuse et
légère d'elle (actrice elle aussi discrète et retenue) que m'a
accordée l'image durant des années et qui, durant d'autres
années, s'est fait oublier, soit revenue pour emplir toute
l'image, l'image qui, à sa toute dernière apparition sur
l'écran et alors que toutes les chanteuses, tous les chanteurs
et le chef saluaient, m'a accordé la vision de son auteur qui
sur la scène est montée pour venir saluer. C'est sur l'image du
sourire de grâce de Marthe Keller que se clôt la beauté
pure de cet opéra.
J'en ai été très heureux...
21 août 1999