SEL II

intégral

 

 

à charger et je commençais franchement à me sentir mal à l’aise. « Il n’empêche », dis-je, « c’est hors de question, d’autant que, pour tout t’avouer, c’est là que j’ai rencontré Naomi. Et… » « À Hongkong ? » « Non, à Amsterdam, voyons ! » Nous avons tous les deux regardé Jeanne dont le visage, tandis qu’elle sirotait son pur malt, s’était agrémenté d’un sourire énigmatique et ingénu. « N’est-ce pas, François Rabot, que c’est à Amsterdam que vous avez rencontré cette mijaurée ? » Avait-elle fait exprès d’estropier mon nom ? Bientôt, je n’ai plus eu aucun doute, elle m’avait déclaré la guerre, sans plus aucune sommation. « N’est-ce pas monsieur Nabot ? Dois-je enseigner à notre cher auditoire à quel point vous vous fûtes distingués à Amsterdam, Naomi et vous ? » J’ai plongé dans mes souliers, m’attendant à d’intimes et secrètes révélations tandis que Pfaall, tout en faisant l’effort de prendre un air indigné, jubilait dans sa barbe du tournant que prenaient les évènements. Et là, j’ai reçu l’estocade écossaise. « Mon cher Pfaall, ton protégé est un minable et surtout un faisan ! », a articulé Jeanne à son oreille. « N’est-ce pas monsieur Nabot ? » a-t-elle hurlé à la mienne, avant de me la mordre jusqu’au sang ! Je me suis relevé d’un trait pour lui échapper, craignant un nouvel acte de cannibalisme sur ma personne. Mais qu’avaient donc les femmes autour de moi à se comporter de la sorte ? Avais-je affaire encore à de réelles humaines ou étais-je entouré d’envahisseuses androïdes névrosées ? Je ne parvenais plus à reprendre mes esprits, saisi d’une sorte de panique qui m’envahissait et que je n’arrivais pas à maîtriser à cause de la douleur aiguë que la morsure lançait à mon appendice blessé. Je l’entendais parler, s’adresser à moi avec d’amples gestes lyriques mais je ne saisissais aucun sens aux mots dont elle inondait Pfaall, qui petit à petit, ça, je l’avais tout de même relevé, refermait son sourire amusé du début pour prendre un air dégoûté et méprisant. « Et dire que je vous avais pris pour mon allier, que j’avais mis en vous toute ma confiance ! Comment allons-nous faire pour nous débarrasser de vous, maintenant ? » Il s’est levé, a tendu la main à Jeanne et ils se sont éloignés ensemble en marmonnant. Épuisé, je me suis rassis. Mais qu’avait-elle été lui raconter ?