Machinalement, notre corps s’est penché vers le campo San Biagio lorsque tout à coup le mien s’est déporté sur la droite, c’est-à-dire vers les deux tours de l’Arsenale. « Et si on passait par là ? » Étais-je déjà passé par là, je n’en avais pas le souvenir, et, à réfléchir, il me semblait bien que non. C’est à ce moment-là que nous avons pris véritablement conscience du bruit métallique qui depuis un moment nous suivait. Cinq sœurs en tenue sont apparues suivies d’un groupe de personnes d’où provenait le bruit comme si un enfant s’amusait à taper sur un couvercle de métal. « C’est peut-être pour la Saint Martin », a dit Éléonore. Puis : « Suivons les sœurs ! » Elles se dirigeaient justement vers les deux tours de l’Arsenale. Nous les avons suivies, et comme nous avancions, je me suis rendu compte qu'effectivement jamais je n’avais emprunté ce chemin. Elles vont jusqu’au Campo dell’Arsenale, le traversent d’un pas déterminé, nous les suivons, le traversons. Un café fait le coin, puis il y a un petit rio le long duquel court la Fondamenta di Fronte. Nous les suivons, et alors que jusqu’à ce moment nous étions seuls avec elles, apparaissent d’autres personnes qui empruntent le même chemin, puis les sons d’une chanson amplifiée, puis un éclairage puissant et, comme je lève la tête, l’inscription Parocchia di San Martin. Nous entrons donc à leur suite dans la paroisse Saint Martin, celui-là même que l’on fête aujourd’hui. Et c’est bien une fête, avec de la population, de la lumière pour éclairer le parvis de l’église qui apparaît à présent ; s’y tiennent des stands, une petite scène et une centaine de personnes prêtes à fêter San Martino...