Journée de congé que j'ai mis à profit en achevant le texte de la Trousse (encore qu'il y ait encore des choses à revoir), sous enveloppe, prête à être envoyée. Puis à l'achèvement de la mise en page de la Rue. Reste à l'imprimer pour en donner un exemplaire à Lionel.../Emma est passée au scanner. Tout va bien.../Soirée nonchalante, calme. Pas mal de piano. Dans la nuit, poursuite du long travail de mise à jour du Livre sur le site. J'en viens à bout. Un peu de polonais avant de me coucher.../Ai reçu hier un double CD que j'attendais avec impatience : l'intégrale de Varèse avec des inédits. Par Chailly. J'écouterai cela lundi, au calme de mon sous-sol.../ Floralux, où Susan voulait acheter des plantes. Floralux, supermarché de la plante et de la fleur. Queue d'un kilomètre ou deux sur la route pour y accéder. Il faut le voir pour y croire. Je l’ai attendue dans la voiture, tandis qu'elle y prenait son bain. Puis je l'ai rejointe : des milliers de types et de bonnes femmes poussant des caddies chargés de graines, d'engrais, de pousses, de pots, d'arbres, de potées. C'est comme un rêve. Non, c'est un rêve... Le calme de Susan parmi cette folie qui me prend à la gorge au bout d'une seconde me laisse béat d'admiration.../ Filons sur Courtrai. Balade dans la ville qui ne m'inspire rien de particulier. C'est propre, carré. Ordinaire. Mais le Béguinage est charmant, ainsi que le pont aux deux tours qui ne manque pas de séduction. Mais bon... Puis terrasse du Byblos (qui s'imposait). Quinze degrés en fin d'après-midi. Le printemps pointe son nez.../Patrick et Pascal qui se fichent de moi parce que je me suis retrouvé coincé à Dadizele avec les blaireaux.../ Varèse. L'intégrale. Que j'ai à l'instant dans les oreilles. Nouvelle intégrale puisque je la possédais déjà, à cette différence près qu'à celle-ci s'ajoutent des inédits. Dont j'ignorais tout. Je suis impatient... Tout d’abord, Tuning up, que je découvre. Pièce pour un film, jamais éditée, autour du la de l'accord de l'orchestre. Ça commence comme du Strawinsky, mais très vite ça devient du pur Varèse (les sirènes, quelques accents de pièces à venir). Très intéressant... Amériques, ensuite. Partition originale, celle que nous connaissons étant une révision. Je viens de l'apprendre dans le livret. Quelques différences sensibles, mais pour l'ensemble, c'est la même œuvre fracassante et monumentale. Phénoménale, dirais-je même (malgré quelques accents strawinskiens, encore, de temps à autre – influence, air du temps ? ; c'était en 1918, soit cinq ans après Le Sacre que Varèse a sans nul doute entendu – et puis ?). Je crois que je préfère la révision, plus directe... Poème électronique. Que je n'ai jamais beaucoup aimé, que je n'aime toujours pas. Ratage, à mon avis, même si l'on considère l'époque (1958). Très daté... Je m'étonne, par ailleurs, que cette intégrale n'ait pas été conçue chronologiquement... Arcana. Magnifique. C'est Amériques concentré, compressé. Le jus ! Quoique avec encore quelques traces narratives. Qui n'ont pas échappé à Schifrin qui s'est empressé d'utiliser l'une d'elles pour le célébrissime Mission impossible ; pour rester dans le domaine de la pompe éhontée et magistrale, il y a le pauvre Sarde, l'un des plus fameux vampirisateurs du monde filmique, et les premières minutes de Coup de torchon. Merci à eux... Nocturnal, sa dernière œuvre, que je connais mal, qui me laisse un peu sceptique... Un grand sommeil noir, d'après Verlaine, 1906, que je découvre ; « la seule des premières œuvres publiées par Varèse à avoir survécu. » (sic) Qu'entendent-ils par « publié » ? (je vais du reste de retrouver le terme dans Gertrude, Kuhn qui publie de ses œuvres avant qu'elles ne soient exécutées ; nous sommes fin XIXe) La version chant/piano m'attire davantage (et je lis à l'instant que la version orchestrale n'est pas de lui ; pourquoi cette orchestration ?).../Gloom a pris son départ. J'écris !.../ Varèse, suite : Hyperprism, Octandre. La musique se décompose ; pour son plus grand bonheur, et le mien. Chailly y est beaucoup moins à l'aise... Intégrales. De même, Chailly peine à maîtriser... Ecuatorial où Chailly se rattrape en mettant en valeur les ondes Martenot et le piano.../ Varèse. Suite. Ionisation. Belle version. Puis Density 21, 5, dont je n'ai jamais pensé le plus grand bien. Enfin Déserts. Que je n'ai jamais aimé. Jamais je ne comprendrai cette alternance entre « son organisé » (la bande magnétique) et son orchestral. De la même manière que pour Poème électronique, je pense que c'est un échec. J'en ai parlé ailleurs, je ne sais plus où. Mais il reste Dance for Burgess, petite pièce destinée à une comédie musicale (!). Projet avorté. Curieux.../Un nouveau balai pour ma collection... À quand le prochain ?/ J'avais le choix entre le cirque – Gruss (Arlette) à l'esplanade – et le restaurant. J'ai choisi le restaurant. Elle m'a proposé La Terrasse des remparts dont lui avait parlé Joséphine avec le plus grand bien, notamment pour sa carte des pâtisseries à discrétion…/Une petite mention aux toilettes dont les lunettes de forme rectangulaire sont sans nul doute un discret hommage à des fesses d'un autre temps. Le miroir, en revanche,  n'a rien de particulier. Ne m'a renvoyé que l'exacte image de moi, ni amélioré, ni falsifié ; celle simplement d'un homme qui a trouvé un nouveau balai.../Vue extraordinaire sur l'arrière de la Treille lorsque l'on se poste en face de la boulangerie Truc de 1793, la plus ancienne de Lille. À ce moment-là, soleil couchant, le ciel était rouge brique et sang au-dessus des toits, et moi aimé vieillissant au-dessus de toi.../45e leçon de polonais. Je vais et viens sans cesse entre confiance et désespoir.../(Amour, ce matin, à la va-vite, entre 8 h 35 et 8 h 40... Je suis encore arrivé en retard...)/ Hamlet de Zifferelli, hier soir. Celui de Brannagh, à côté, fait figure de saynète pour Disneyland. Dommage que ce soit une adaptation et non le texte intégral, seul mérite de la version de Brannagh.../Dans 15 jours, mon 47e balai.../ C'est vrai que je ne suis jamais content. Peut-être est-ce simplement parce que j'ai peur d'être content, car être content, c'est se préparer une espèce de douceur qui, je le pense, peut n'être pas très éloignée de la béatitude, et de là, de l'inconscience... Et le Garnier dit : « Content : qui ne souhaite rien de mieux que ce qu'il a ; de contentus. » Et contentus (de contendo, tendi, tentum) : « tendu avec effort », ou « qui fait effort », ou « qui se maintient dans les limites de, qui se borne à ». Qu'est-ce que je disais !/ Mon statut de dilettante social. (Pourquoi n'ai-je pas tenu le journal de mon travail ?)/Ma mère, hier, parlant du journal : « Mais où vas-tu trouver tout ça ? »/ Yann a passé trois jours à la maison. Il est parti hier soir. « Bonne chance, » me fait-il en s'en allant. « Pour quoi ? » « Pour le journal. » « Le journal ? » « Tu disais qu'en février il ne s'était rien passé. J'espère que ça ira mieux en mars... » C'est ce que j'avais dit à Susan samedi en lui remettant l'impression du texte : « C'est pas terrible du tout. C'est vide. Il ne s'est rien passé ce mois-là. »/ La Mercedes qui m'inquiète un peu. Broute par moments comme si un cylindre ou deux fonctionnaient mal.../P*** a une curieuse exclamation alors que je parle du lambris du grenier : « Pouah ! quelle horreur ! du lambris ! ce cache-misère ! » Cache-misère ? qu'est-ce que cela veut dire ? C'est drôle comme ce mot s'est inscrit en moi et à quel point il revient souvent depuis dans mes pensées.../ Susan qui a été choqué par mes propos concernant le chador dans le dernier Dzien... « Dzien » qui se prononce comme « jean »... Groujean.../ Réception hier d'un mot de Philippe Lejeune que l'APA a contacté. Il est curieux de me connaître. Une lettre à rédiger pour me présenter.../ En définitive, l'homme étant ce qu'il est, il n'y a pas lieu de se désoler de toutes les saloperies qui jalonnent, distinguent et illuminent son existence, mais plutôt de s'en réjouir. Le faits divers pourrait être un lieu de réjouissance particulièrement adapté.../ Hier soir, ai préparé quelques livrets à l'intention de Philippe Lejeune : La Vie à Billy, Notes et relevés, Le Pauvre, le numéro VIII du Bulletin. En survolant ces anciennes pièces, je me suis dit que finalement tout cela n'était pas si mal, que ce n'était pas totalement vain, et mon cœur s'est réchauffé (!?).Hier, Martine m'a dit en me dévisageant : « On dirait que le temps n'a pas d'emprise sur toi ». Ça m'a frappé (et flatté !), et j'y pense depuis, et je me suis demandé dans quelle mesure, à force d'être confronté à lui, en esprit, dans mes écrits, à force de considérer qu'effectivement tout est présent, je ne serais pas arrivé à m'en faire une sorte d'ami, de complice qui, séduit, aurait décidé de m'épargner, ou au contraire, étant resté son ennemi, si je ne serais pas arrivé à l'annihiler.../Je reçois aujourd'hui le nouveau programme du Fresnoy : « Faites-vous photographier au Fresnoy par un artiste » et deux lignes plus bas : ce projet « n'est pas seulement une invitation à constituer ensemble une œuvre d'art, mais un geste de la part de l'institution d'art contemporain envers son quartier, sa région. » J'attends avec impatience le stage de pâte à modeler et le concours de tartes Tatin... (Au verso, un hippopotame à colorier « avec huit couleurs de votre choix »...)/Susan qui souligne les diverses mentions au sexe dans le dernier Dzien. Il me prendrait bien l'envie d'en dévoiler un peu davantage. Entamer un Journal du sexe, par exemple, ou Journal X.../ Journée passée dans le grenier : décapage, finitions diverses. Cette première partie, qui sera mon bureau, prend des allures d'achèvement. C'est réconfortant.../Je fais l'impasse sur ma leçon de polonais. Il est trop tard.../ Incroyable, première fois que cela m'arrive : j'ai oublié mon stylographe à la maison, celui avec lequel, depuis des années, je remplis mes cahiers, et il m'a fallu plus d'une demi-heure d'hésitations et de tergiversations avant de me décider à lui troquer ce stylo à bille qui, au demeurant excellent – c'est du reste le cadeau de Susan –, est parfaitement inadapté à cette tâche (ainsi qu'à ma main et à ma manière d'écrire).../Hier, dimanche calme et lent, passé face à l'écran pour une part et à du « bricolage » (grenier, finitions) d'autre part./ Ce soir, coup de fil de Bernard ! Des mois que nous ne nous étions parlé... Chaque fois que je pense à lui, que je mentionne son existence, que j'en parle, il y a toujours cette question qui reste irrémédiablement sans réponse : comment se fait-il que les choses aient à ce point changé après tant d'années de pure fraternité, à ne pouvoir faire l'un sans l'autre ? Et puis il appelle, et rien n'a changé, c'est exactement pareil, comme si nous nous voyions toujours, nous écrivions toujours. Il n'empêche : pourquoi ?/À 17 h 00, Thierry arrivait pour une répétition, les nouvelles chansons de son prochain tour de chant dans lesquelles il y aurait des parties de guitare pour moi. Essais. Laborieux. J'ai l'impression que cet instrument n'est plus le mien et pire, que d'en jouer ne m'intéresse pas. Flou total./Elle était particulèrement belle aujourd'hui, et lorsque je la vois comme ça, belle, radieuse, je ne puis m'empêcher de me demander comment elle peut se satisfaire de moi. Et je pense à ses amours passés, aux hommes qui la convoite. Et je pense à Gloom.../Lever 10 h 00. De 11 h 00 à 19 h 00, grenier : décapage encore, dernières finitions, coup de peinture, plancher de la première partie de la future mezzanine. Je suis fourbu.../ Gloom. Quelques notes relevées hier avant de me coucher qu'à présent je développe... Ça ralentit. Un peu de brume. Beaucoup d'hésitations. Je pensais ne pas me tracasser pour cette dernière partie et puis, bien sûr, elle dérive, dévie de plus en plus de ses bases d'origine, et déviant, se complique et se complexifie (tiens, voilà un verbe qui, il y a peu de temps encore, me faisait ricaner ; et voilà qu'il s'impose ici !)./  Retour de mes malaises « tabac », ceux du moins que j'impute au tabac (une cigarette supplémentaire, hier ; est-ce elle ?). Qui me laissent toujours aussi perplexe. Je devrais prendre l'habitude de les consigner précisément et fidèlement.../ Je suis chez Kili, accroupi devant des rayonnages, quand tout à coup se mettent à danser des dizaines de petites étincelles devant moi. Je me relève, épouvanté. Ma tête se met à tourner comme les étincelles disparaissent. Je me retiens au rayon.../À 16 h 30, j'étais chez Lionel pour notre rendez-vous (mais qu'ai-je fait auparavant ? je n'en ai plus le souvenir). Je lui remets le manuscrit de la Rue V., plus la disquette correspondante. Nous en discutons./Cours à Roman. Discussion avec Anne au sujet de son expo. Elle me montre la page que lui a consacré Françoise Objois dans Sortir, Françoise Objois qui écrit ainsi Marcel Duchamps, c'est-à-dire comme un « champs » avec un « s ». La tribu journalistique s'améliore. Je suis réconforté.../Les Londoniens tamisés.Les Parisiens scéniques./Menen, cette drôle de ville frontalière qu'on ne sait par quel bout prendre./Anne qui met les cimaises à terre et nous fait fouler le monde./ Discussion autour des Saxons, des Romains avec cette question en conclusion, question pour laquelle nous n'avons pas de réponse et qui nous laisse un long moment cois, comme en suspension : comment se fait-il que la majorité des habitations de l'époque romaine se soient retrouvées sous terre ?... /Longue discussion avec Hervé au sujet de mon texte et de la manière de le présenter. Nous en reparlerons dimanche. Coucous ensuite à quelques pas de là./Det l'F qui me dit que le ton du journal a changé : il a l'impression que je m'ouvre davantage au monde.../ (S*** qui, depuis quelques jours, m'inspire de puissants élans. Inaccoutumés. Je suis transporté à ses côtés ; ai envie à chaque seconde de l'enlacer, de l'embrasser. Je suis étourdi. Mais en même temps, j'ai peur, comme si je craignais quelque chose ; comme si, fatalement, il devait arriver quelque chose…)/ Mardi-Gras. Binche et tout le tremblement. Tout le monde s'amuse. Même ici, à l'accueil, CRAM, où l'on a jugé bon, cette année, de suspendre des ballons, des guirlandes, des masques, de planter une scène de théâtre, de coller des affiches. Dont l'une, à l'occasion de Dunkerque, qui titre en gros et gras : ON EST HEUREUX ! (Big Brother, les chinoiseries rouges, les russies blanches – et rouges aussi : êtes-vous heureux ?)/Vais-je devoir aussi supprimer « fête » de mon vocabulaire ? (à plus d'un titre, « party » est nettement plus heureux...) Substituer « sauterie » à « fête » ? (Hop, dit l'Américain...)/Difficultés avec la Trousse. Ça se termine, j'en suis content, mais en même temps, au fur et à mesure que j'approche de la fin, s'accentuent mes doutes : c'est bancal, maladroit, inachevé. Je ne suis pas sûr d'aimer ce texte... À terminer pourtant pour vendredi soir ; je le lui enverrai par fax.../Dimanche, au restaurant, Francine qui me dit que je devrais publier Emma. Je m'étonne qu'elle en ait connaissance, qu'elle l'ait lu. « Mais tu m'as offert l'original ! » Quand ? comment ? Je n'en ai pas le moindre souvenir !.../La Voie lactée, hier. Que je vois pour la première fois. Réjouissant, riche, stimulant (et que Delphine est belle en courte prostituée blanche !).../ Entre l'avant-garde et l'arrière-garde, il y a la garde. J'en suis ! (De warten, allemand, soit veiller, prendre soin, prendre garde.)/