À la recherche du temps perdu. C'est exactement ce que je fais, assis à mon bureau de la CRAM, 9 h 30, à attendre l'heure du rendez-vous au café, et à rechercher au fond de ma mémoire ce qui a pu se passer depuis vendredi après-midi.../La semaine monastique de Susan va bon train. Elle a pu travailler hier toute la journée, une bonne partie du samedi. Je marche sur la pointe des pieds dans le grenier lorsqu'elle se trouve dans la chambre de Yann ; nous nous amusons à nous ignorer lorsqu'il nous arrive de nous croiser... Elle aura toute la semaine pour être tranquille.../Vendredi soir, Baudouin, Claire et Francko à la maison. Excellente soirée. Baudouin et Claire pleins d'une gaieté qui chez d'autres serait suspecte et agaçante et qui chez eux est stimulante, réjouissante. Comme le dit Francko : « Voilà un couple visiblement heureux... »/Léger état vaseux, fatigue le reste de la journée que j'ai passé à je ne sais quoi. Mollesse. Coucher tôt après avoir regardé La dame au petit chien d'Iossif Kheifits dont j'attendais davantage. Mais je le conserverai peut-être ne serait-ce que pour le visage d'Ia Savvina qui, et c'était extrêmement troublant tout au long du film, me faisait penser à celui de Julia adulte.../Dimanche, tarot chez Thierry et Patrick, avec Nathalie et sans Francko. À quatre, donc, autour d'un chili maison ma foi assez succulent. Je n'ai pas perdu. À 19 h 00, j'étais de retour. Ai achevé la préparation du Dzien de mars..../ Claire et Baudoin vont passer une semaine à Marrakesh avec le Club Med !!!/ Le plumage de l'ange. C'était hier. Première répétition chez Amanda et Bruno, avec Jacques, Francine, mais sans le modèle, qui occupera la méridienne le jour-dit, mais qu’il nous a fallu là imaginer dans le canapé vide, à la droite duquel se tenait Francko. À gauche un téléviseur qu'il commande… Le texte. J'en avais lu une bonne partie ; je connais très bien le sujet puisque c'est le centre même de son travail : l'Annonciation, Marie, l'ange, les vierges. Je me suis suis donc surtout attaché à l'écriture, à son rythme, sa respiration, ses articulations… Il y aurait certaines choses à réécrire, à revoir. Mais cela concerne surtout la première partie, celle que j'avais lue. Pour la seconde, rien à dire, d'autant que son ton à ce moment-là se fait passionné et accroche immédiatement. Sa diction est quasi parfaite, sa voix porte bien ; son maintien correct. C'était la première. Une seconde devrait avoir lieu jeudi... Francko m'a demandé de rédiger le communiqué qui présentera la chose. J'ai commencé ce matin.../Communiqué : Le plumage de l'ange Rendez-vous/Conférence Léopold Franckowiak 4 mai 2000, 20 h 30 10-12, rue du Priez à Lille. C'est l'histoire de l'amour et du plaisir, de la couleur et du désir. Une histoire qui dit que les Rendez-vous sont comme des mariages où les uns et les autres, attirés de tous les points de la Terre, vont pour les toucher elle et lui qui, sous le couvert de voûtes d'éther, soupirent et convolent. C'est là que l'ange vient, qui rapporte sa bouche, bouche peinte dont Michele et Alighieri, et Sandro et Adam lui-même, tous hôtes et maîtres à la fois, se griment pour jouer des tours aux rois et aux lois. Et c'est ainsi que cela devient aussi l'histoire du masque, et du fard, et de la ruse. La ruse des peintres nantis de plumes plutôt que de soies qui teignent des draps comme s'il s'agissait de souffles afin qu'entre le « oui » et le « si » Beatrice se loge, qu'entre « garce et grâce Marie s'enchâsse » (c'est l'auteur qui l'a dit), et qu'Ève elle-même entre dans les replis doux de son replet ami... C'est dire que c'est entre Enfer et Paradis, et que c'est aussi l'histoire d'un voyage, un long voyage où l'auteur, pris entre songe et charme, fût ravi durant un temps et d'où aujourd'hui l'a rappelé celle qui, pour notre bonheur, sur les eaux sèment des ondes et prête son oreille chaste à qui sied le vœu. Soit celui à qui veut de ses rêves faire l'appel. Et c'est ce que précisément sont ses invitations : des appels ; des appels qu'il appelle Rendez-vous, dont celui-ci énième pourrait prendre nom de Renaissance : la sienne tout autant que celle de l'art lorsqu'il est don, cœur et sens.../Pas de réponse de Philippe Lejeune. Ce qui me surprend, et me chagrine.../ Casanova, d'Alexandre Volkoff, de 1927, que j'ai vu hier, je ne pouvais manquer ça. Dès les premières images et ce jusqu'à la dernière, et malgré une légère faiblesse lors de l'épisode russe, c'est un ravissement. L'adaptation est plus que fantaisiste, et même carrément débridée (notamment l'épisode de la rencontre avec Bellino, et surtout sa fuite des Plombs qui est une invention complète !), mais ça n'empêche en rien : c'est un enchantement, tout particulièrement grâce à l'apport de la couleur pour trois scènes choisies : un bleu pour Venise, un ocre-doré pour un bal, et surtout, toutes couleurs, coloriage au pochoir !, la scène finale du carnaval à Venise. Je me suis empressé de le ranger dans mes archives.../Dans le dernier TRA, une page publicitaire pour Voila : la pénombre, un réfrigérateur ouvert ne contenant que des barquettes de fraises, une jeune femme enceinte qui, avec un sourire que l'on devine, va pour s'emparer de l'une d'elles. Elle porte une sorte de chemise de nuit de soie, soutient de la main droite son ventre bien proéminent. Étrange et surprenante sensualité de cette image qui me remue les sens.../Pour Listopad : « Sam le solitaire, Polonais d'intention... »/Rêve cette nuit avec la brunette de Gammarth !.../Cours latin/grec sans Sébastien qui joue les papas. Suite des Métamorphoses d'Ovide et des aoristes grecs. Jean n'a pas l'air d'aller très fort. « Tu as de la chance, » dit-il à un moment donné à Francko, « tu es libéré. »/(Plus il se fait tard dans la journée – puis tôt dans la nuit –, plus j'ai de facilités à écrire manuscritement. Je ne devrais vivre que la nuit...)/Cigarette (8e), café, table du séjour, 1 h 30 du matin de la nuit de dimanche à lundi. Comme souvent, je ne rédige pas mon journal durant le week-end. Pas le temps, pas envie, n'y pense pas, comme si c'était désormais une activité liée (et réservée) à mon bureau du bureau. J'ai déjà dû écrire la même chose quelque part.../Samedi passé tout entier à la traduction du texte envoyé à Susan par l'EDHEC. Un programme de formation à l'informatique destiné aux enseignants en langues. Passionnant.../J'ai passé deux heures dans le jardin à repeindre des bacs de fleurs. À la minute même où je rentrais pinceaux et pots, la pluie est tombée... (Courte discussion avec Roland, le voisin, qui me dit que je ressemble de plus en plus à mon père en vieillissant...)/Tout s'écoule tout doucement dans une sorte de plénitude contractée... (La contraction est celle de ma nature qui, vaille que vaille, parvient à se faufiler...)/(Tout s'écroule tout doucement dans une sorte de plénitude contractée.)/En polonais : « Ocean Spokojny », c’est l'Océan Calme, Tranquille, soit : Pacifique ! D'où vient donc ce « Pacifique »-là ?/Minuit (en fait, c'est mercredi). Deuxième bureau, grenier. Rencontre ce matin avec Pascal Allard à la DRAC. Excellente./ Événement. D'autant que cela peut être une préfiguration de l'opéra et ainsi : joindre musique, vidéo, jeu. Montage de scènes. Dissémination dans plusieurs endroits. Et : - ne pas proposer la vente (impossible puisque les volumes ne sont pas censés exister avant leur envoi mensuel), mais la souscription ; en revanche, prévoir un coffret ou deux entièrement réalisés ; - le prix : 363 F, soit un franc le tableau ; prévoir une intervention sur le réseau […]./(Pascal Allard qui me suggère aussi de demander une bourse pour « jeune » auteur ; 20 000 F. Pourquoi pas ? pour l'année prochaine...)/Kili. Deux livres. Verhüllter/Wrapped, Christo et Jeanne-Claude, chez Taschen. Je suis complètement émerveillé par l'emballement du Reichstag, et je trouve tout à fait extraordinaire qu'un homme seul puisse en convaincre d'autres (politiques, en majorité !) pour en arriver à cette chose... Puis Joze Plecnik, architecte 1872-1957, catalogue d'exposition, Pompidou. Un Tchèque.../Christo. Vingt-quatre ans pour mener à bien ce projet qu'ils ont entièrement financés. Pas mal ! (Tous les espoirs pour quelque entreprise que ce soit sont donc permis...) Mais ce qui est tu : quels étaient leurs arguments ? qu'ont-ils dit aux centaines de responsables (politiques ou autres) rencontrés ?/ Temps magnifique. Ce midi, passage à la Renaissance où, avec Francko, j'ai pris le café dans le jardin, en plein soleil. Je lui relate mon entretien avec Pascal Allard, puis l'idée de l'événement. « Très bonne idée, » dit-il, et me suggère la représentation de deux ou trois scènes de l'opéra telles qu'elles apparaîtront : musique, décor, comédiens. Très bonne idée... J'y réfléchis.../L'idée de cet événement autour de la Rue m'excite formidablement…/19 h 00, grenier. Il pleut. Me suis levé tard, ai mal au crâne depuis... Rien de particulier. Langueur, nonchalance. Deux gâteaux : l'un pour ce soir, invitation chez Corinne ; l'autre pour les voisins turcs qui, il y a quelques semaines, nous avaient offert un morceau de mouton.../  Pas de chèques depuis bien longtemps.../ L'encre perd-elle de ses qualités avec le temps ? Depuis combien de temps est-elle dans le tiroir ? Deux ans, trois ans ?... Et puisque nous en sommes au compte des années : dans cinq jours, il y aura six ans que je l'aurai rencontrée pour la première fois. Six ans. Où est-elle ? Que fait-elle ? avec qui est-elle ? Qu'a-t-elle fait de mes mots, de mes lettres ? Les a-t-elles encore ? Y pense-t-elle de temps à autre ? Les regarde-t-elle, les lit-elle de temps à autre ? Ont-elles eu un poids dans son existence ?.../Un émail de Francis Dannemark, du journal Escale des Lettres. Il souligne la « singularité de ma démarche », qui lui inspire une vive curiosité. Il me dit aussi avoir passé un moment passionnant sur mon site. Me laisse son numéro de téléphone. Voilà qui me réchauffe un peu, même si je ne sais trop ce que je peux attendre de lui. L'appeler. Mais pour lui dire quoi ?/Pas de chèques en vue. Je vais devoir relancer. Et j'ai horreur de cela !/Je n'ai pas ouvert mon livre de polonais depuis vendredi après-midi./Je n'ai pas touché au piano depuis plus d'une semaine./C'est le travail qui a séparé C*** et P***, l'un et l'autre, – surtout l'autre – travaillant trop.  C'est le travail, en partie, qui a séparé M*** et J***. Quelle misère ! Plus que jamais, je me félicite d'être ce que je suis : un dilettante en retrait, à distance ; au couvert d'un abri duquel j'observe et souris.../ […] une lenteur qui fait aussi tout l'attrait et la particularité de Wenders, qu'accentue encore, comme pour mieux la suspendre, comme pour l'apparenter à l'immobilité, qu'accentue la musique, la même, toujours, chère aussi à Wenders (mais pas à moi), cette espèce de rock lent, tranquille, souvent insipide, qui, d'une manière ou d'une autre, depuis Au fil du temps, imprègne l'ensemble des images. Les imprègne suffisamment bien pour que je l'accepte, n'y voie rien à redire dans ce contexte, dans ce cadre d'histoire qui, au bout du compte, ne m'intéresse guère, mais dont l'authenticité, du fait de celle de l'auteur, me touche. Et puis il y a l'image et sa maîtrise, et très souvent sa beauté et sa justesse, et je retrouve Les Ailes du désir, mais aussi L'ami américain et Alice et cette merveille que restera Au fil du temps. Et enfin, il y a la bonté... C'est sans aucun doute ce que Wenders a fait de mieux depuis Les ailes du désir. Ou plutôt : la seule chose qu'il ait fait de bien depuis. Je le croyais définitivement vieux, assoupi, égaré. One Million Dollar Hotel est indéniablement un film de jeunesse.../Passage à la Renaissance ce midi. Café dans le jardin malgré la pluie qu'obstinément nous avons bravée. Parlons de Malraux. Je pense alors à l'émission de lundi sur France Culture concernant la guerre d'Algérie et la déclaration de Malraux à ce sujet, ambiguïté des propos à forte tendance pro-coloniale.../Six ans aujourd'hui. Bon anniversaire, V***. (et bonne fête à W***)/Hier, grève. Mal fichu toute la journée : bouffées de chaleur, mes mains, ma tête. Aujourd'hui, le calme (à part les mains). Comprenne qui peut.../Cours latin/grec, sans Sébastien qui joue toujours les papas. Jean qui nous parle de N***./J'ai décidé de prendre une semaine de congés, mon pont rituel 1er-8 mai. Objectif : le grenier !/Malaises tabac. Le retour.../(Avenir = destin – caractère ; Caractère = destin – avenir ; Destin – caractère – avenir = 0.)/Coup de fil hier à Claire et Baudouin pour les inviter demain en même temps que Francko. Baudouin est aussi intarissable avec un téléphone que sans... La construction d'un silence artificiel a capoté. Nous reportons le projet à  demain./Réception d'un chèque de J***. Par contre, rien du côté de B***. Se fiche-t-il de moi ?/Le petit Gabriel est né le jeudi 5 avril 2000. Bonne chance à lui.../ Cours à Roman hier. Fin du quatre mains. Après le cours et en attendant l'heure de me rendre chez Jean pour le latin/grec, et tandis que Roman et Julia jouaient dans leur chambre, j'ai fait un peu de piano avant de passer à la cuisine me préparer un thé que j'ai bu tout en achevant ma 57e leçon de polonais commencé dans l'après-midi. Anne est rentrée à 19 h 45. Elle m'a proposé des tartines au pâté et des raviolis. Je me suis laissé tenter, malgré l'heure. Je suis arrivé avec une demi-heure de retard au cours. En rentrant, à 23 h 30, j'ai mangé les lasagne que Susan m'avait laissés au four... J'ai revu le polonais avant d'aller me coucher.../